«L’ennemi du peuple»: le combat de Jim Acosta

D’une plume alerte, le journaliste raconte les dysfonctionnements qui plombent la Maison-Blanche. Il met en lumière ses propres différends avec Trump et son équipe.
Jim Watson Agence France-Presse D’une plume alerte, le journaliste raconte les dysfonctionnements qui plombent la Maison-Blanche. Il met en lumière ses propres différends avec Trump et son équipe.

Au cœur de l’univers tumultueux et instable de Donald Trump, une constante demeure : le 45e président des États-Unis affiche un remarquable dédain, voire une haine profonde, envers le New York Times et CNN, qu’il accuse, entre autres choses, de rapporter des faussetés. Ces médias incarneraient « l’ennemi du peuple », selon l’expression attribuée à Steve Bannon, l’un des controversés ex-conseillers de Trump.

Jim Acosta, correspondant bien en vue de CNN à la Maison-Blanche, connaît les rouages de la politique américaine. Il a couvert Trump durant la campagne de 2016, puis pendant les deux premières années du présent mandat présidentiel. Il s’est fait remarquer par sa pugnace volonté de poser de dérangeantes questions et de répondre du tac au tac à Trump lors de houleuses conférences de presse.

 

Fort de cette expérience, Acosta a écrit L’ennemi du peuple. Dernière élection présidentielle, enquête sur la collusion russe, politique d’immigration controversée, émeute de Charlottesville : le reporter revient sur l’actualité américaine des trois dernières années, « la plus grosse affaire politique de ma vie » note-t-il, sans toutefois révéler rien de profondément nouveau.

D’une plume alerte, il raconte les dysfonctionnements qui plombent la Maison-Blanche. Il met surtout en lumière ses propres différends avec Trump et son équipe. Le président l’a qualifié de « colporteur de fake news » et d’« ennemi public numéro un ». Pour sa part, Acosta désigne Trump comme un « être impudent » et un « nativiste excentrique », qui a déclaré la guerre aux faits. La Maison-Blanche a fini par révoquer sa carte de presse, qu’il a récupérée après une fructueuse action en justice.

Malgré l’adversité, qu’on l’accuse parfois de lui-même provoquer et nourrir, Acosta refuse de s’incliner. Il demeure libre. Il conserve son style, insistant, il est vrai. Plein de lui-même par moments, le journaliste se place au centre des intrigues qu’il décrit. Il se donne raison. Sur un ton péremptoire, il revient à satiété sur l’idée que les reporters comme lui recherchent la vérité. Celle-ci « est plus forte qu’un président, même s’il se comporte en brute ».

Il soutient que ses collègues et lui dispensent un service public essentiel pour le bien du pays. Cela sous-entend qu’il leur incombe, en justiciers, de défendre les États-Unis contre le mensonge et le mal incarnés par Trump et son gouvernement. Ainsi, la neutralité ne servirait plus vraiment face au mode de gouvernance de ces derniers. Du petit-lait pour les détracteurs conservateurs d’Acosta, qui l’accusent de partialité.

L’ennemi du peuple ne distille pas de troublantes révélations comme l’ont fait les remarquables brûlots de Michael Wolff et de Bob Woodward parus récemment. Il décrit les interactions souvent conflictuelles, sinon violentes, entre les médias d’information et les membres actuels de la Maison-Blanche. Sur un mode plus personnel, l’essai dépeint un homme en colère, qui résiste et refuse de voir ses enfants grandir dans une Amérique où la presse constituerait un ennemi.

L’ennemi du peuple

★★ 1/2

Jim Acosta, traduit de l’anglais par Santiago Artozqui, HarperCollins France, Paris, 2019, 422 pages

 

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