«Terminus»: stop, l’humanité

Le deuxième roman de Tom Sweterlitsch se distingue dans la confection fort cohérente de son univers et de ses décors si bien plantés.
Photo: Michaël Ray Le deuxième roman de Tom Sweterlitsch se distingue dans la confection fort cohérente de son univers et de ses décors si bien plantés.

Terminus, tout le monde descend. Ou plutôt, tout le monde meurt. Dans un indicible chaos. Avec des cadavres flottant dans les airs la tête en bas, les bras en croix. Des hommes et des femmes dénudés, courant et hurlant. Deux soleils illuminant l’horreur.

Le Terminus, c’est ça. C’est la fin de tout. Mais si cette fin pouvait être empêchée ?

Présenté comme un croisement entre Inception, de Christopher Nolan, et la série True Detective, Terminus entremêle science-fiction, réflexion sur la résurrection et gore. Le tout au fil d’une enquête pour meurtre qui se « répand comme un feu de forêt ». Sauf que le feu s’étend non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Sur plusieurs décennies et futurs possibles.

À la base, l’idée n’est pas des plus incroyablement originales. Elles sont nombreuses, les oeuvres à avoir exploré, en effet, l’effet papillon (une pensée ici pour le flop… pardon, le film du même nom avec AshtonKutcher). Mais la question fascine toujours : et si l’on pouvait changer ne serait-ce qu’un infime détail dans le cours d’une vie, quelles en seraient les conséquences ? (Sans trop de surprise ici : elles seraient terribles.)

Thème moult fois revisité, donc. Mais là où ce deuxième roman de Tom Sweterlitsch se distingue, c’est dans la confection fort cohérente de son univers et de ses décors si bien plantés. Se déroulant principalement en Virginie-Occidentale et en Pennsylvanie, le livre nous entraîne ainsi dans des centres commerciaux banals où l’on bouffe des burgers. Dans des motels moches où l’on rejoint des amants en catimini. Dans des bars crades où l’on descend des rhum and coke à la cerise, à la lueur des néons. « Fumeurs bienvenus. Ailes de poulet le mercredi. »

Oui, l’écrivain né en Iowa a le tour des ambiances glaçantes et des images percutantes. « L’espace autour de nous est devenu cassant comme de la glace, miroitant, on aurait dit de la poudre de diamant. » Serez-vous surpris ? Les droits d’adaptation pour le grand écran ont déjà été achetés et le réalisateur, aussitôt désigné. La mission a échu au cinéaste Neil Blomkamp, qui nous a donné, en 2009, le solide District 9. L’auteur remercie d’ailleurs en conclusion ce même Blomkamp pour ses conseils « indispensables à la conception » de son livre. Faut-il comprendre qu’il a guidé le récit en fonction du film à venir ?

À propos d’avenir, ou plutôt du passé, apportons par ailleurs un bémol, en ce qui concerne l’épilogue, où l’auteur transporte maladroitement son héroïne à l’adolescence. Soudain, cette agente spéciale travaillant au Naval Criminal Investigative Service est dotée d’une voix niaise qui, en trois pages, annihile le personnage de femme forte et complexe dressé sur les 435 pages précédentes. « Je prierai pour mon mari en mer, confie-t-elle en songeant au garçon qu’elle aime. Il donnera mon nom à une étoile, et il me désignera, son étoile, notre étoile. » Erh.

Mais oublions ce faux pas final : Terminus, c’est une combinaison de nanoparticules à effet de tunnel, de l’exquis 11/22/63 de Stephen King, et de références au Back in Black d’AC|DC. Sombre, oui. Réussi ? Aussi.

Terminus

★★★ 1/2

Tom Sweterlitsch, traduit de l’anglais par Michel Pagel, Albin Michel, « Imaginaires », Paris, 2019, 448 pages

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