
«Rouge est la nuit»: la mort en direct

L’exotisme est encore à la mode malgré ce rejet de plus en plus répandu de tout ce qui vient d’ailleurs : heureusement. Ainsi, le simple fait de voir apparaître un polar japonais sur mon bureau — au moment même où se tenait le G20 à Osaka — m’a donné l’envie d’aller vérifier comment peut se décliner le côté sombre d’un monde que la majorité d’entre nous s’imagine à peine.
Surtout que ce n’est que le premier d’une série de livres vendus à plus de quatre millions d’exemplaires, adaptés à la télé et au cinéma. Plongeons donc…
Un portrait peu flatteur
Nous sommes à Tokyo, au Commissariat central, au milieu d’une série de luttes de pouvoir et de codes de comportement qui peuvent sembler aussi compliqués qu’inutiles à nos yeux d’Occidentaux. D’autant plus que le personnage central, la lieutenante Reiko Himekawa, est la seule figure féminine dans une mer de machos plus ou moins affirmés. Mais voilà qu’un crime atroce est commis… et que Reiko comprend plus vite que les autres comment les choses se sont passées : ses collègues lui en feront insidieusement payer le prix.

Pourtant, l’enquête débloque grâce à elle. Ce qui semblait, au départ, un crime violent de plus prendra des proportions absolument gigantesques. La police de Tokyo se retrouve bientôt avec onze cadavres sur les bras, tous immergés dans un étang, enveloppés dans des bâches bleues et affligés du même type de blessures indiquant que les victimes ont été torturées. Les policiers, qui se moquaient des intuitions délirantes de leur collègue, tentent maintenant de remonter la piste, sans véritable résultat. Jusqu’à ce que Reiko et son équipe arrivent encore une fois avec une percée majeure…
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle découvre qu’une organisation clandestine propose d’assister, dans une petite salle de spectacles désaffectée, à des mises à mort en direct sur le modèle des snuff movies. Reiko perdra un des membres de son équipe dans l’aventure et passera tout près, elle aussi, de rester sur le carreau avant que l’affaire soit résolue.
Cette histoire sordide comporte des passages d’une grande cruauté, aussi bien vous prévenir tout de suite. Certains personnages, inspecteurs de haut rang ou simples recrues, fonctionnent aussi selon une morale fort discutable, sans parler de leurs comportements machistes, pour ne pas dire fascistes. Si c’est là un portrait qui se rapproche de la réalité japonaise, il est plutôt désolant et très peu flatteur pour les forces de l’ordre.
Dans les faits, Reiko apparaît comme le seul personnage vraiment intéressant au milieu d’une majorité de collègues oscillant entre le débile léger ou l’arriviste corrompu. L’intrigue, par contre, s’épaissit à mesure que l’on s’approche du dénouement, et le lecteur — qui en sait plus que les policiers — ne pourra bientôt plus décrocher. Peut-être Reiko parviendra-t-elle, dans ses prochaines enquêtes, à tirer tout cela vers le haut…