«L’air du lac»: respirer sous l’eau

Robert Maltais signe un récit traînant et platement linéaire.
Photo: Julien Faugère Robert Maltais signe un récit traînant et platement linéaire.

De 1965 jusqu’à son dernier souffle en 1995, L’air du lac nous raconte le parcours de Joseph Bouchard, fils d’un arpenteur-géomètre et d’une maîtresse d’école du Lac-Saint-Jean, qui deviendra avocat d’affaires dans un cabinet de Chicoutimi — après avoir renoncé à devenir prêtre, n’ayant ni la foi ni la vocation. « Joseph ne partageait pas la vision misérabiliste de beaucoup de ses compatriotes qui se résignaient à être nés “pour un p’tit pain”. Joseph, lui, voulait posséder une boulangerie. »

Et la boulangerie, on va la lui donner, après qu’il fut tombé chastement amoureux de l’épouse cancéreuse d’un puissant collègue.

Jacky Stewart, née Jacqueline Tremblay, va donner des cours d’anglais au jeune avocat et l’initier à la littérature anglaise. « Pour des centaines de personnes que la richesse avilissait, en les rendant de plus en plus cupides, et qui se retrouvaient finalement dominées par ce qu’elles possédaient, il en était d’autres qui savaient mettre leurs biens au service de la grandeur humaine. Ils cultivaient les idéaux ayant fait rêver l’être humain depuis toujours. »

Impossible de « rester insensible à tant de richesses concentrées dans un seul être », surtout lorsqu’il s’exprime avec l’accent britannique. En mourant quelques mois plus tard, au milieu des années 1970, la femme va lui léguer d’un coup de baguette magique les dix millions de dollars qu’elle venait de recevoir de son mari, lui-même emporté par une maladie fulgurante.

Entre Chicoutimi, Montréal et un intermède à Paris, vers la fin du roman — saupoudré de commentaires anglophiles et fédéralistes —, le protagoniste sans grande consistance s’interroge sur le sens qu’il devrait donner à sa vie.

Bien entendu, Joseph Bouchard va finir par connaître sa petite épiphanie : il va utiliser la fortune qui lui a été léguée afin de constituer une fondation qui va distribuer des bourses d’études à de jeunes Autochtones de la région, devenant « une sorte de saint Vincent de Paul sans dieu ». De quoi donner raison à un proverbe tibétain selon lequel l’aumône serait la meilleure des richesses.

Robert Maltais, qui en est à son sixième livre pour adultes depuis Les larmes d’Adam (Québec Amérique, 2004), signe ici un récit traînant et platement linéaire, vieillot sans même être classique, qui aborde sans grande finesse quelques enjeux existentiels — la foi, le sens de la vie.

Mais dès les premières pages de L’air du lac, c’est surtout l’absence d’écriture qui crève les yeux : les phrases se suivent, tièdes, sans audace et sans ardeur. « Cet auteur écrit comme on respire », nous explique l’éditeur. On le croit sur parole. Mais peut-être lui faudrait-il respirer un peu plus lentement.

Extrait de «L’air du lac»

« Jamais l’héritage des Stewart n’avait provoqué une telle réaction chez lui. Bien sûr, tous ces millions lui faisaient plaisir. Oui, le sentiment de liberté que procurait tant d’argent le touchait, mais la qualité de l’émotion ne se comparait pas. En reposant le téléphone après la conversation avec Fabienne Lachance, il aurait dansé de joie s’il ne s’était pas plutôt écroulé en larmes. Il savait que les deux réactions s’équivalaient. Mais surtout, cet homme intelligent pouvait décoder les événements et lire les signes qui s’y exprimaient. Pour Joseph, le bonheur résidait dans un échange. »

 

L’air du lac

★★ 1/2

Robert Maltais, Druide, Montréal, 2019, 224 pages



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