«100 ans à travers les unes de la presse»: le journal comme témoin de l’histoire

Une page du 4 septembre 1939
Image: Larousse Une page du 4 septembre 1939

Dans 100 ans, pourra-t-on encore faire une revue du siècle en feuilletant des unes de journaux ? Proposera-t-on plutôt une sélection des meilleures pages d’accueil des sites Web ?

La question court en filigrane tout au long de cet album assez costaud, qui veut à la fois raconter l’histoire du XXe siècle et l’histoire de la presse qui a accompagné le siècle.

Les 100 années en question ne correspondent pas nécessairement au siècle du calendrier : la rétrospective commence avec le début de la Première Guerre mondiale, en 1914, pour se terminer en 2018 avec le « cauchemar syrien »… et la victoire des Bleus à la Coupe du monde.

L’idée de raconter un siècle à travers les unes de journaux est toujours porteuse (ce n’est pas nouveau, on a vu ça ailleurs).

Se succèdent donc tous les événements que vous pouvez imaginer : les deux grandes guerres, le krach de 1929, les guerres de Corée, du Vietnam et du Golfe, l’assassinat de JFK, Mai 1968, l’homme sur la Lune, la crise du pétrole, la chute du mur de Berlin, les attentats du 11 septembre 2001, l’élection de Barack Obama, la tuerie au Bataclan… Bref, chaque événement est bien mis en contexte (l’auteur est professeur d’université en histoire contemporaine et spécialiste de l’histoire des médias).

Le point de vue français est largement privilégié, même si on trouve ici et là quelques unes de journaux étrangers.

C’est aussi l’occasion de mesurer l’évolution de la presse. Il y eut une époque où la une d’un journal se voulait essentiellement informative : en 1938, par exemple, on pouvait annoncer que le président français du Conseil Daladier se rendait à tel endroit à telle heure, ce qui permettait aux gens d’aller le rencontrer. C’était la seule façon de l’apprendre. On était alors à des années-lumière des réseaux sociaux d’aujourd’hui.

Comme l’explique en préface Pierre Haski, président de Reporters sans frontières, qui a longtemps œuvré à Libération, le moment le plus important de la journée, « le plus ritualisé aussi », était le choix de la une.

Libération a d’ailleurs bousculé les codes de la une — par exemple, en 2002, ce gros NON pleine page pour marquer la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Haski ajoute qu’avec la concurrence de tous les autres médias, et d’Internet, la une du journal transmet maintenant « une émotion, un commentaire à des lecteurs saturés d’informations ».

Dans les années 1930, la presse traditionnelle subit ses premiers assauts avec l’arrivée de la radio. En réaction, elle augmente considérablement le nombre de photos. Commence alors l’époque des grands photoreporters, avec les Robert Capa, Cartier-Bresson et Willy Ronis de ce monde.

En 1938, en pleine guerre civile d’Espagne, Paris-Soir publie 37 photos en moyenne par numéro. Le journal vendra près de deux millions d’exemplaires par jour en 1940. On pourrait méditer sur certains de ces chiffres : à la mort de De Gaulle en 1970, par exemple, France-Soir publie sept éditions dans la même journée et atteint 2,3 millions d’exemplaires vendus !

Ce sont des chiffres qui semblent maintenant appartenir à une époque révolue. L’histoire continue quand même à se faire en une des journaux, comme le démontrent certaines unes fortes des dix dernières années ici présentées. Mais pour combien de temps encore ?

100 ans à travers les unes de la presse

★★★ 1/2

Patrick Eveno, Larousse, Paris, 2018, 290 pages

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