«Le meilleur des hommes»: Biéler, Guy Biéler

Camp de concentration de Flossenbürg, 5 septembre 1944 : « Les cinq soldats lèvent leur arme […]. Je les regarde sans haine […]. C’est comme cela que je veux quitter ce monde […]. Ils tirent. Ce n’est pas la fin, seulement la mienne. »
Cette voix, portée par le journaliste Guy Gendron, est celle de Gustave « Guy » Biéler qui, à 38 ans, fut le premier Canadien volontaire au Special Operations Executive (SOE), parachuté en France dans la nuit du 18 novembre 1942 près de Saint-Quentin. Sa mission : recruter et diriger des résistants qui procéderont à des actes de sabotage contre l’occupant allemand.

Aveugle d’un œil et claudicant, il servit avec courage en épargnant le plus possible les civils. Arrêté par la Gestapo en janvier 1944, puis torturé, il ne dit mot jusqu’à son exécution en septembre.
Un « homme parmi les garçons », dira de lui, admirative, Vera Atkins, chef des renseignements de la Section F du SOE. En 1994, c’est elle qui mit le reporter sur la piste de l’homme célébré en France, méconnu au Québec.
Biéler n’idéalisait pas la guerre. Il ne trouvait aucun plaisir à se battre, ne nourrissait aucune haine envers l’ennemi […]. Si Guy Biéler s’enrôla, c’est par conviction que les êtres libres ont le devoir moral de défendre leur liberté.
Gendron explique, en fin d’ouvrage seulement, le choix du récit biographique pour raconter l’exceptionnel mais tragique parcours de Biéler, né en France de parents suisses, qui émigra à Montréal en 1924 afin de fuir un climat familial étouffant. Ce stratagème littéraire permet, entre autres, de compenser les manques dans les sources.
Trois voix portent le récit. Il y a d’abord celle du narrateur, vive, journalistique, qui situe le parcours de Biéler dans le contexte général du conflit, mais laisse s’échapper quelques imprécisions ou erreurs mineures.
Ainsi, Paris fut déclaré ville ouverte le 11 juin 1940, non le 18 ; la bataille d’Angleterre débuta en juillet 1940, non le 7 septembre avec le blitz, etc.

Se manifeste ensuite la voix de Biéler, invérifiable, projection de l’auteur, l’agent secret n’ayant laissé aucune lettre. De fait, les messages qu’il transmit au SOE furent détruits en 1947. « Il m’a […] fallu lui prêter des réflexions et des sentiments qui, même s’ils sont inspirés des récits de ses proches, demeurent une construction de mon esprit », écrit Gendron. Le lecteur est prévenu.
Et enfin nous parvient la voix de Jacqueline, fille de Biéler, authentique. Une rarissime parole d’orpheline de guerre québécoise qui, finalement, semble en paix avec ses souvenirs.
Un agent admiré
Agent de l’ombre admiré qui choisit de laisser au pays épouse et enfants, officier reconnu pour son humanisme, Biéler, qui a reçu l’Ordre du Service distingué (DSO) à titre posthume, « n’idéalisait pas la guerre. Il ne trouvait aucun plaisir à se battre, ne nourrissait aucune haine envers l’ennemi […].
Si Guy Biéler s’enrôla, c’est par conviction que les êtres libres ont le devoir moral de défendre leur liberté ».
En liant recherche historique et littérature inhérente au genre, Guy Gendron propose un être de lumière, tout en nous ramenant à cette terrible question : qu’aurions-nous fait à la place de cet homme d’exception ?