Les flâneurs


Goûter aux voix
Assister à Rigoletto, populaire opéra aux arias connus universellement, c’est, au mieux, s’offrir le plaisir de comparer avec de précédentes versions cette œuvre phare de Verdi. Or, celle de l’Opéra de Montréal, mise en scène de Michael Cavanagh, est la plus dynamique qu’il m’ait été donné de voir. J’ai goûté les voix du ténor René Barbera en duc au cœur d’artichaut et de la sensible soprano Myriam Leblanc en blanche figure du sacrifice comme la direction musicale du chef Carlo Montanaro. Aussi, le fait que tous les interprètes, y compris le baryton James Westman, en bouffon père poule Rigoletto, démontraient des talents de comédiens conférait une vérité à ce conte cruel et misogyne adapté du Roi s’amuse de Victor Hugo.

L’amour en cadeau
Avant de mourir, les comédiens Gilles Pelletier et Françoise Graton ont gravé sur la pellicule l’infinie tendresse de leurs amours vieillissantes. Cela a donné un court métrage lumineux, Anatomie, réalisé et scénarisé par Patrick Bossé, qu’on peut trouver sur le site de l’ONF. Au cours des huit minutes presque muettes du film, sur une douce musique du groupe Forêt, les secondes s’étirent au rythme des respirations. Les vieux amants dansent, caressent leurs bras ridés, croisent leurs pieds aux orteils tordus d’arthrite, embrassent leurs fronts chargés de souvenirs, dans une acceptation bienveillante de l’âge et de sa richesse. Un film à voir pour apprendre à vieillir, pour apprendre à aimer. Magnifique.

Trésors de la langue (fourchue)
Après avoir rigolé des erreurs de français dans le monde du sport, le chroniqueur Olivier Niquet (La soirée est encore jeune) lance, lundi, Le club des mal cités, son deuxième recueil de citations — il y en a près de 400 — aussi véridiques que rigolotes. Au cœur de l’exercice : la politique et les différents joueurs qui y naviguent. Les classiques « pogo dégelé » ou « roue à trois boutons » s’y retrouvent, mais le livre va beaucoup plus loin, soulignant les dérapages des uns et l’incompétence des autres. Exagérations, lapsus, langue de bois ou langues fourchues alternent dans une mise en page éclatée.

Les facéties d’Amélie
Dès le début de sa prolifique carrière, Amélie Nothomb a étonné autant par la fulgurance de son talent que par l’excentricité de sa personne et ses confessions farfelues. Qui est-elle vraiment ? Difficile à dire puisque le personnage médiatique qu’elle a habilement créé se confond avec la femme qu’elle est réellement. Aussi fascinant qu’agaçant, La bouche des carpes, recueil d’entretiens menés de 1995 à 2001 par l’écrivain et plasticien belge Michel Robert avec la romancière qui est devenue son amie, nous la révèle dans toute sa vulnérabilité et sa perversité, aussi mystérieuse que généreuse, jonglant savamment avec la vérité et les mensonges.