Changements majeurs dans la circulation des livres au Québec

Un jeu de chaises musicales a cours dans le monde de la distribution, qui assure la circulation des livres entre les entrepôts et les librairies. 
Photo: Martin Bureau Agence France-Presse Un jeu de chaises musicales a cours dans le monde de la distribution, qui assure la circulation des livres entre les entrepôts et les librairies. 

Les Éditions Québec Amérique et Boréal ont annoncé mercredi l’acquisition en parts égales de Diffusion Dimédia. Le diffuseur et distributeur québécois, fondé en 1974, risquait l’anorexie. En mai dernier, Dimédia a perdu l’énorme fonds du groupe français La Martinière-Seuil, au profit du géant Socadis. Au point où « les libraires étaient inquiets pour la diffusion et la distribution du livre québécois, jusqu’à [hier] matin », selon Katherine Fafard, de l’Association des libraires québécois (ALQ).

Un jeu de chaises musicales a donc cours dans le monde de la distribution, qui assure, pour vulgariser, la circulation des livres entre les entrepôts et les librairies. Depuis la France, Interforum (Éditions 10/18, Plon, Belfond, etc.) devient diffuseur et passe en distribution chez Socadis. Elle y drague les maisons d’édition du groupe La Martinière-Seuil (Points, Éditions de l’Olivier, Métailié, etc.), qui étaient la clé de voûte du catalogue de Dimedia.

« Quand Interforum nous a signalé son intention d’aller chez Socadis », résume le directeur général de Boréal, Pascal Assathiany, qui était déjà actionnaire de Dimédia, « on a cherché comment on pouvait transformer un problème en solution. » L’alliance a été la réponse. Québec Amérique et Boréal, Jacques Fortin et Pascal Assathiany : « un partenariat de deux éditeurs, compétiteurs en édition, qui pérénisent la diffusion et la distribution ».

C’est pour mieux gérer les ficelles de la promotion que le groupe français Editis a constitué il y a quelques mois Interforum Canada. « Ça offre beaucoup d’avantages, de pouvoir maîtriser la chaîne complète du livre », explique le directeur de la diffusion internationale, Gwénaël Luherne. C’est un désir d’autonomie et d’indépendance qui motive le geste, « mais plus encore d’avoir une maîtrise plus développée de la relation avec les libraires, une meilleure visibilité pour nos auteurs », en grande majorité français, ou étrangers en traduction de la France.

Effet domino

L’effet domino s’est enclenché. Dimédia devient donc « plus petit, plus littéraire, plus du côté des sciences sociales », détaille M. Assathiany, et forme « un quatrième joueur dans le panorama [devancé par Socadis, ADP et Prologue], qui fera cette diffusion ciblée, adaptée aux éditeurs indépendants, de taille plus modeste », que sont les quelque soixante éditeurs québécois, dont Alto, Écosociété, Le Quartanier, Septentrion. Y demeurent également pas loin de 150 éditeurs français, dont Harmonia Mundi, Les Belles Lettres, Les Presses universitaires de France. Un acteur du milieu se demande si Dimédia ne sème pas là le germe pour devenir un diffuseur-distributeur réunissant les livres québécois, avec une force de frappe en littérature.

Le nouveau catalogue « n’exclut pas les best-sellers », précise le directeur, comme les livres de recettes 3 fois par jour de Marilou, qui suivent Québec Amérique avec les Éditions Cardinal, ou Le plongeur, de Stéphane Larue (Quartanier). « Mais on va effectivement retrouver moins de nos livres en grandes surfaces. »

D'autres mouvements

Ce mouvement commercial n’est pas le seul dans le monde méconnu de la circulation des livres. Hachette Canada (Delcourt, Bayard, Courte échelle) passe de Socadis à ADP, une société de Québecor Média, après l’échéance du contrat. « Il y a ces jours-ci deux millions de livres distribués par Hachette en train de traverser le pont », a illustré un autre acteur du milieu. « Soit l’équivalent de 150 trucks de 18 roues qui partent de Longueuil et qui ont jusqu’au 1er janvier pour se rendre à l’entrepôt de Saint-Laurent. »

Ces mouvements, si techniques soient-ils, touchent un livre distribué au Québec sur deux, selon la société de gestion de la banque de titres de langue française BTLF. Si tout va bien, le lecteur n’en sentira aucun effet. Ni les libraires, qui croisent tout de même les doigts. L’Association des libraires québécois (ALQ) suit attentivement cette valse en cours. Tout particulièrement celle de Hachette, majeure. Si elle est très satisfaite du modus vivendi, de la collaboration et de l’écoute qu’affiche le distributeur, l’ALQ reste aux aguets, « car personne ne veut qu’un livre ne soit pas trouvable en janvier, illustre sa directrice, Katherine Fafard, ou que certaines librairies manquent de nouveautés au moment du rush de la rentrée d’hiver ».

Car ce sont les distributeurs, rappelons-le, qui s’assurent entre autres que les nouveautés, le jour de la sortie, sont disponibles autant à Rouyn et à Gatineau qu’à Montréal, quand les diffuseurs, eux, en font la promotion.

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