«Le Montréaler»: mettre la ville 62 fois à la une

« Montréal m’appartient. La ville entière est mienne », écrit André Marois dans un texte intitulé « À nous la rue ! ». « Sur mon vélo, je possède toutes les rues, les trottoirs, les parcs, les pistes cyclables aussi. Je considère qu’une cité sans bicyclette, c’est une plage sans soleil », ajoute-t-il, juste à côté d’une illustration loufoque imaginée pour la une d’un magazine fictif baptisé Le Montréaler et sur laquelle un drôle de cycliste est monté sur deux… bagels.

Le coup de crayon est singulier, tout comme celui des dizaines d’autres illustrateurs qui l’an dernier ont pris part à cette étrange aventure : saisir Montréal dans une illustration éditoriale sur la page frontispice d’un magazine qui n’existe pas, mais qui s’inspire fortement du prestigieux New Yorker.
Le projet a été mené à Paris, il y a quelques années, sous le nom du Parisianer. À Montréal, il s’est dévoilé dans une exposition l’automne dernier présentée à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal et reprise depuis cette semaine à la station F-MR, sur les bords du canal de Lachine, à Montréal.
Il trouve également depuis cette semaine un deuxième souffle dans un album où ces unes imaginaires cohabitent désormais avec le territoire narratif de quelques écrivains racontant leur ville. Stéphane Dompierre, Mélikah Abdelmoumen, Alexandre Fontaine Rousseau et Rébecca Déraspe sont du nombre. Entre autres.
« Nous voulions laisser l’illustration dévoiler la multitude des regards qui peuvent se poser sur une même ville », résume à l’autre bout du fil Nicolas Trost, copilote, avec Marion Arbona et Renaud Plante, de ce voyage au cœur de couvertures de magazine qui pourraient très bien faire écho à celles du Montrealer, The Montrealer pour être précis, publication qui, dans les années 1950, a véritablement existé dans le Montréal anglo. « Même si l’Orange Julep, le Stade olympique ou l’hiver sont là, les clichés ont été évités et ces unes nous font entrer dans une très grande diversité d’intimités partagées, y compris par les auteurs des textes courts. »

L’homme cite comme exemple l’illustration de Marie Mainguy montrant une jeune fille s’envolant dans la porte du métro.
Une scène captant avec une très grande acuité l’esprit des lieux pour qui fréquente ce mode de transport souterrain, explique-t-il en substance.
La faune urbaine dans une métropole entravée par ses cônes orange. Le bonheur ou le fantasme des toits verts. L’appel de la liberté, de la folie, le caractère festif de la ville rencontrant l’iconique panneau lumineux de la Farine Five Roses.
Une ville où les humains ont été remplacés par des ratons laveurs ou encore où règne l’esprit de Leonard Cohen. Les propositions des 62 illustrateurs et de la dizaine d’auteurs sont plurielles, à l’image d’une zone urbaine qui l’est tout autant.
« Dans l’ensemble, ces œuvres racontent une ville multiculturelle, mais surtout accessible et à visage humain. On évoque le passé parfois, on se projette dans le futur, on attrape le présent, mais on est surtout ici dans un univers très actuel », dit Nicolas Trost.
Un univers qui surtout démontre par ses esthétiques variées, placées dans le même cadre contraignant, que Montréal est encore et toujours un territoire habité terriblement inspirant.