«Le meilleur dernier roman»: l'art de rire du dernier

Mais qui va bien pouvoir décrocher ce nouveau prix littéraire, né dans l’imagination un tantinet caustique et un brin vicieuse de Claude La Charité ? Ce n’est pas n’importe quel prix : il récompense le meilleur dernier roman.

Les candidats en lice sont nombreux : Michel Tremblay pour La traversée du désert ? Victor-Lévy Beaulieu pour Bibi et bibine ? Jacques Godbout pour Adieux Galarneau ! ? Anne Hébert pour Le dernier jardin ? — on salue ici l’habileté avec laquelle l’auteur manipule la titraille du patrimoine littéraire québécois. Ou encore cet Henri Vernal et son roman La grosse Bertha, histoire d’une femme-canon ?
Désopilant ! Ce premier roman de Claude La Charité, professeur au Département des lettres et humanités de l’Université du Québec à Rimouski, l’est dès les premières pages, en plongeant dans une cérémonie de remise dudit prix qui tourne au vinaigre. La faute au lauréat qui, après un retard malfaisant, va exploser pour dénoncer une « machination » visant à le faire taire.
La suite est à l’avenant, portée par le narrateur qui remonte le fil de cette étrange instance de valorisation, comme dirait Bourdieu, imaginée dans un milieu universitaire un peu trop sûr de lui, et qui dresse au passage le portrait savoureux du premier ex-lauréat d’un prix dont la charge évocatrice a effectivement tout pour faire craquer les colonnes d’un temple.
L’humour est bien senti dans ce récit qui se moque avec finesse et raffinement de deux milieux, universitaire et littéraire, dont l’auteur maîtrise très bien l’absurde des rites, et mesure également très bien l’épaisseur de leurs nombreuses suffisances et contradictions. Un exercice pas totalement abouti, malheureusement, et qui pourrait le placer dans la course au prix du « meilleur premier roman dont on déplore quelques scènes qui s’étirent ». Si ce prix, bien sûr, existait.
Extrait de « Le meilleur dernier roman »
« — Le prix du dernier roman, quelle machination ! Veut-on acheter mon silence ? Est-ce une manière de mettre un terme à ma carrière ? Je suis un homme libre ! Personne ne pourra jamais me forcer au silence ! Et surtout pas contre de l’argent ! Je crache sur ce prix. Je le compisse, je le conchie, je l’exècre, je l’abomine ! »