Les ados québécois et leurs habitudes de lecture
Un grand usage d'Internet aurait tendance à développer les habitudes de lecture chez les usagers plutôt que de les inhiber. Les adolescents préfèrent les bibliothèques publiques aux bibliothèques scolaires. Voilà quelques-unes des conclusions qui se dégagent d'une étude effectuée à Montréal et en Maurice par une équipe dirigée par Monique Lebrun.
Cette étude, intitulée Les pratiques de lecture chez les adolescents québécois, publiée aux Éditions Multimondes, est le premier volet d'une enquête qui portera également sur la lecture de grandes oeuvres au secondaire. Mme Lebrun y a travaillé en collaboration avec Colette Baribeau, Flore Gervais, Marie Nadeau, Hélène Lévesque et Priscilla Boyer.Par ailleurs, l'étude avance aussi que les enseignants ont intérêt à favoriser des moments de lecture libre, au-delà des lectures obligatoires, pour former de grands lecteurs.
En termes statistiques, les chercheurs ont établi que, sur un échantillon de 1727 élèves, 20 % sont en fait de grands lecteurs. Ce sont des jeunes, plus souvent des filles que des garçons, qui aiment lire et qui ont, dans plusieurs cas, une bibliothèque personnelle d'une centaine de livres à la maison.
Du même échantillon de base, 10 % des élèves sont totalement réfractaires à la lecture et 20 % n'aiment pas du tout lire. Cependant, remarque Mme Lebrun, il arrive que des élèves qui n'aiment pas du tout lire découvrent de l'intérêt pour un livre au moment d'activités liées à la lecture de ce livre.
Les bibliothèques
Par ailleurs, les auteurs de l'étude se sont largement penchés sur la question de l'usage des bibliothèques scolaires et publiques. Ainsi, constate Mme Lebrun, qui enseigne au département de linguistique et de didactique de l'Université du Québec à Montréal, les adolescents qui sont de grands lecteurs préfèrent de loin fréquenter les secondes. L'équipe de Mme Lebrun dénonce en effet «l'appauvrissement des bibliothèques scolaires perceptibles depuis une vingtaine d'années». La chercheuse en a profité pour dénoncer le désistement de l'équipe libérale envers l'engagement, pris plut tôt par le Parti québécois, de fournir 100 millions de dollars au ministère de l'Éducation pour renflouer les bibliothèques scolaires.
Or les élèves ne sont pas dupes de cette dégénérescence des bibliothèques scolaires. «Ils n'y trouvent pas les livres qu'ils cherchent», dit Mme Lebrun, qui ajoute que les adolescents se sentent aussi plus libres à la bibliothèque municipale, où ils ne sont pas assignés à des places particulières et où ils peuvent aussi consulter, par exemple, des CD. En entrevue, Mme Lebrun signale aussi que, contrairement au souhait du gouvernement actuel, il existe peu de collaboration entre les bibliothèques municipales et les bibliothèques scolaires.
Mais tout n'est pas sombre dans ce tableau des habitudes de lecture des jeunes. Ainsi, on constate qu'un usage accru d'Internet serait une stimulation plutôt qu'un frein à la lecture. Cette constatation n'empêche pas les auteurs de spécifier que les parents et les éducateurs doivent baliser l'usage de l'ordinateur.
«Les dangers d'une utilisation tous azimuts d'Internet à l'école sont trop grands», mentionnent-il.
Quoi qu'il en soit, l'enquête a démontré qu'Internet est devenu la première source d'informations pour les élèves, avant les parents, les amis et l'encyclopédie. Les chercheurs vont par ailleurs jusqu'à mettre en avant les facultés de lecture qu'exige l'usage de certains jeux vidéo.
Mme Lebrun n'est pas pessimiste quant aux habitudes de lecture des adolescents québécois. S'il est vrai que cette activité est concurrencée par la musique et la télévision, elle risque bien, conclut la chercheuse, de demeurer au cinquième ou au sixième rang des loisirs des jeunes Québécois pour encore de longues années.