Bande dessinée - Parler avec les dieux

Le scientifique Kenneth Flurk est un obsédé. Et l'obsession, chez lui, se transmet même de père en fils dans sa famille, qui n'a à l'esprit qu'une seule chose: mettre la science à profit pour entrer en communication avec les dieux. Rien de moins.

La quête, un brin futile dirait l'athée, peut faire sourire. Mais pour le scénariste Martin Villeneuve, elle est plutôt à l'origine d'un incroyable récit qui s'étend sur les 64 pages de cette Voix du tonnerre (Les 400 Coups).

Incroyable et complexe. Avec en trame de fond la construction d'une machine à décoder les paroles des divinités mais aussi celles des dieux de l'Olympe, devenus, dans le coeur des années folles, des bureaucrates austères logeant dans Wall Street, à New York, et qui ne semblent guère enchantés par l'idée.

Le décor, surréaliste, est posé. Et sous le coup de crayon de Daniel Svatek, cette fable philosophico-mythologique prend son envol avec ces récits en parallèle, ces narrations hors champs mais aussi son univers graphique où architecture, design industriel et esprit des années 20 dominent.

Villeneuve, 25 ans, qui a aussi écrit l'étonnant photo-roman Mars et avril en 2002, ne demandait d'ailleurs pas mieux, lui qui avoue avoir mis ce scénario au monde pendant un soir d'orage. C'était en 1994. «Je me suis demandé ce que ce bruit pouvait bien vouloir dire, dit-il, et le conflit qui est à la base de l'histoire s'est présenté de lui-même.»

Dix ans plus tard, la question résonne toujours autant, en dessin et en couleur. Et on essaye alors de s'accrocher à la réflexion sur la place de la science face au divin qui en découle, jonglant ici avec les nombreuses références à la mythologie grecque, les citations de Balzac ou de Cyrano de Bergerac, plongeant parfois dans un monde mathématiquement proche de celui de Schuiten & Peeters et de leurs Cités obscures. La profondeur en moins par contre.

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