Polar - Le réalisme d'Henning Mankell

La première fois que j'ai lu un roman de Henning Mankell, j'ai senti qu'il y avait quelque chose de bergmanien dans le réalisme lucide du style de cet auteur. Sans savoir que l'écrivain suédois était le beau-fils du célébrissime réalisateur des Fraises sauvages, j'avais d'entrée de jeu perçu ce qui, chez lui, allait me plaire sans coup férir: la lucidité d'un style sans concession qui va directement au coeur des choses. Un style franc, direct, entier, une manière réaliste à mille lieues de tout misérabilisme et de toute sensiblerie, d'un humanisme authentique doublé d'un sens aigu de l'observation qui n'a pas son pareil pour évoquer l'âpre poésie d'un paysage nordique. Quelques années et une poignée de romans plus tard, le plaisir que procure la lecture des polars de Mankell a toujours le parfum des premiers jours. Il est des aventures qui ne se fanent pas...

La Lionne blanche est le septième polar en traduction française (les autres sont parus dans le désordre et c'est regrettable car on s'y perd un peu, La Lionne blanche constituant en fait la troisième enquête de Wallander) de cet auteur dont on a découvert l'année dernière, avec Comedia Infantil, le versant «africain» de l'oeuvre. Septième intrigue avec l'inénarrable Kurt Wallander, ce nouvel épisode introduit l'Afrique dans l'univers d'Ystad, petite ville du sud de la Suède où le détective quinquagénaire exerce son difficile métier tout en soignant un tempérament de plus en plus dépressif (dont on sait déjà qu'il est le résultat d'un diabète sévère non soigné, le désordre des traductions ayant fourni la réponse au mal lancinant qui le gruge tout au long de cette enquête). Ystad, petite bourgade autrefois tranquille où il ne fait plus si bon vivre depuis que notre monde en perdition y fait pulluler le crime.

L'affaire qui occupe cette fois Wallander étire ses tentacules jusqu'en Afrique, alors que des Afrikaners fanatiques basés en Suède élaborent un complot visant l'élimination du mythique Nelson Mandela. Mais puisqu'il faut bien un petit grain de sable pour faire dérailler une machine bien huilée, la mort accidentelle de Louise Akerblom, agent immobilier sans histoire et mère de famille exemplaire qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment et avec quelques balles dans le corps, sera l'élément déclencheur d'une enquête menée par le plus suédois des flics. Mais aussi par des enquêteurs sud-africains suivant la «piste Mandela».

Certes, il ne s'agit pas du meilleur Mankell, les amateurs en conviendront, et le maillage des deux intrigues parallèles qui constituent ce roman est plus ou moins lâchement tissé. Reste que Wallander, tout autant décontenancé qu'à l'habitude par la violence inouïe du monde dans lequel il vit de plus en plus mal, demeure toujours aussi attachant.

Parallèlement à ce nouvel épisode des aventures de Wallander paraît Le Fils du vent (Seuil), roman plus classique celui-là, pas tout à fait un polar bien qu'il ouvre avec le cadavre d'une fillette assassinée. On y reviendra sûrement, le temps de prendre le temps de le savourer un peu, quand même... En attendant, les passionnés de Mankell pourront consulter l'éclairant mémoire de maîtrise de Pierre Grimaud consacré au cycle Wallander intitulé: Henning Mankell et la série policière sur Kurt Wallander dont une version modifiée est accessible sur Mauvais Genres, un site français (www.mauvaisgenres.com).

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