Grand format La fin des bibliothèques personnelles

1 La bibliothèque d’Antoine Tanguay, timonier en chef aux éditions Alto, est sise dans le sous-sol de sa résidence. «C’est le foutoir, précise-t-il. Au dernier décompte, jamais terminé par lassitude et manque de temps, j’avais environ 4000 livres», essentiellement des livres d’images (photo, art, BD), des romans, et «quelques trucs inclassables. J’ai pas mal élagué ma biblio au fil des ans; je ne garde que les livres qui ont une histoire». Le premier bouquin qu’il se souvient avoir conservé est La tour (Casterman), bande dessinée de Schuiten et Peeters, offert par ses parents. Sa plus récente acquisition est la monographie sur Chris Ware par Françoise Mouly (Rizzoli). Renaud Philippe Le Devoir
2 Bruno Lalonde est libraire depuis 25 ans. Il vient tout juste de déménager son commerce, Le livre voyageur — 25 000 livres — de Côte-des-Neiges à Rosemont, rue Bélanger. À la maison, sa biblio se double d’un autre 25 000 bouquins. «Ma passion première est la littérature et le cœur sensible de ma collection est les artistes québécois (poésie et art) autour des automatistes (1948) jusqu’à Michel Tremblay (1968), période effervescente séminale», explique-t-il au Devoir. Les premiers ouvrages qu’il a voulu conserver étaient des livres d’enfance: La petite fille aux allumettes, Tintin et le Crabe aux pinces d’or, et Le vieil homme et la mer. Et il ne mettra jamais ni guide de l’auto ni guide de bricolage dans ses rayons, précise-t-il. Pedro Ruiz Le Devoir
3 L’animatrice, auteure et journaliste Claudia Larochelle compte quelque 2000 bouquins, répartis chez elle en six bibliothèques — une de plus sert à l’usage exclusif de ses enfants. Elle a également installé une bibliothèque sauvage dans sa ruelle. On y trouve «de tout, tout, tout, et tout est mélangé — de la philo à la Bible en passant par des dictionnaires, des livres pour petits, des BD et des livres de design de mon chum... précise-t-elle. Il n’y a aucun ordre ni structure, c’est un bordel qui bouge. Ça peut me prendre une journée pour trouver un seul bouquin, et ça me fait rager. Les amis passent, prennent des livres, en remettent d’autres, nous en rapportent, et parfois pas.» Son plus récent ajout est L’allumeuse (Marchand de feuilles), le nouveau recueil de nouvelles de Suzanne Myre. Mais ce sont les mots, petits messages et cartes d’écrivains de partout, qui lui un jour écrit à la main et qu’elle garde dans sa biblio, qui lui sont le plus précieux. Pedro Ruiz Le Devoir
4 Hervé Guay, professeur d’études théâtrales à l’UQTR, n’aime pas l’idée de mêler aux livres les CD, DVD et vidéos, et préfère ne pas exposer ces derniers à la vue. «Il se dégage pour moi tant de beauté, de beauté sensible, de chaleur, de l’objet livre», précise-t-il. Il en garde 1500 à la maison et quelque 800 à son bureau à l’université. «Je considère que les ouvrages de mon bureau sont tout aussi personnels que ceux qui sont à la maison; certains, même plus.» De quoi est faite sa biblio? «60 % de romans et nouvelles, 15 % de théâtre, 15 % d’essais, 5 % de poésie et 5 % de beaux livres ou de livres pratiques. Parmi les livres, ou plutôt les œuvres auxquelles je suis le plus attaché, il y a les poèmes de Cavafy, le théâtre de Pirandello et les romans de Pavese, surtout Le bel été. Bien d’autres livres m’ont touché ou fait réfléchir, mais j’ai découvert ces trois-là au début de la vingtaine, un temps où j’étais encore impressionnable.» Pedro Ruiz Le Devoir
5 Institutiones philosophicae ad usum studiosae juventutis de Jérôme Demers est le livre que Jonathan Livernois est le plus fier de posséder. Datant de 1835, il s’agit «du premier traité ou manuel de philosophie écrit au Québec. Le père Demers enseignait au Séminaire de Québec; il a été notamment le professeur de Louis-Joseph Papineau». Le professeur d’histoire littéraire et intellectuelle à l’Université Laval conserve dans sa biblio essentiellement des essais et de la littérature québécoise; une biblio qu’il a commencée avec Les patriotes de 1837-1838 de Laurent-Olivier David (1937). «Il appartenait à mon grand-père paternel. Je l’ai récupéré au début des années 1990.» Sa dernière acquisition? Dérapages poétiques, volume 1 (Atelier 10). Renaud Philippe Le Devoir

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