Sous un ciel couleur cayenne, Patrice Desbiens

Ça étonne, mais ça tombe quand même sous le sens, que Patrice Desbiens consacre un poème (Résolument moderne) à cette pratique énigmatique et grossière consistant à envoyer une photo de son engin à un ou une destinataire, qui ne demandait pourtant rien. C’est que l’auteur de Sudbury et des Cascadeurs de l’amour a toujours été fasciné par les visages insolites que revêt cet inapaisable désir de tendresse, vissé à nos poitrines. Avec le laconisme propre à ses récents recueils, l’homme invisible goûte plus que jamais sous ce ciel couleur cayenne à la sérénité de la contemplation, cabotine encore un brin, puis regarde la mort droit dans les yeux (« Elle conduit toujours / la voiture de / l’année »). Il trouve surtout le moyen, grâce à un soufflant tour de passe-passe, de placer son oeuvre entière entre les vers d’une seule petite méditation, aux allures d’autoportrait. « Seul / dans sa chambre // Petit monde // Pas besoin de /miroir // Il se voit dans / tout le monde. »