Expo 67 et La Ronde: redites sur des lieux communs

C’est à la fin de l’ouvrage, dans une section intitulée « Dans l’oeil d’Antoine Desilets », que le regard du lecteur pourrait commencer un peu à s’allumer. Devant cette scène croquée d’un homme cherchant le repos dans l’inconfort d’un siège à deux places de train, un journal d’Expo 67 sur le visage. Devant ce passager en train de se faire voler son appareil photo et une chaussure par la violence d’une porte de train qui s’est refermé sur lui. Devant cet enfant, seul au monde, et oisif, correctement placé au centre d’une oeuvre picturale psychédélique peinte sur le sol.
Les clichés sont signés du grand photographe montréalais. Ils ont été rassemblés par son fils, Luc Desilets, dans Expo 67. 50 ans, 50 souvenirs marquants et autres secrets bien gardés (Guy Saint-Jean éditeur), ouvrage drôlement nommé puisqu’il n’offre pas seulement des clichés photographiques, d’Antoine Desilets et d’autres. Il est également rempli de ces clichés habituels sur cet événement marquant de l’année 1967, qui a confirmé l’entrée du Québec et de sa métropole dans la modernité : la construction des îles artificielles, les hôtesses et leurs minijupes, le pavillon de la Jeunesse et ses volutes de « marie-jeanne », la visite de la reine et son commentaire sur la saleté des lieux, la petite phrase aux effets durables du général de Gaulle lancée depuis le balcon de l’hôtel de ville…
On croyait que tout avait été dit pour le 40e anniversaire de l’Expo. Que tout avait été redit pour son 45e anniversaire. Et c’est effectivement les mêmes histoires que l’on rappelle dans un livre sans surprise qui nous parle de cette entrée spectaculaire du Québec dans le monde, de l’audace de l’architecture d’Habitat 67, de la démesure du projet et de ses dépassements de coûts, en insistant sur quelques anecdotes à l’importance relative, dont la visite-surprise de la jeune veuve Jackie Kennedy ou celle de son beau-frère Robert Kennedy, pris en photo dans un manège de La Ronde avec ses filles, un an avant son assassinat.
Il n’a fait qu’une déclaration en débarquant à Montréal : « Nous avons fait un bon voyage et nous espérons voir beaucoup [de choses] à l’Expo », relate l’auteur, confirmant au passage en une phrase qu’on a bel et bien fait le tour des souvenirs inédits de l’Expo à ramener au bon souvenir du présent.
Du Gyrotron au Monstre
Emmène-nous à La Ronde. 50 ans de plaisirs forains (Éditions de l’Homme), de Tristan Demers, prêche par le même excès de récits maintes fois ressassés sur ce célèbre parc d’attractions qui a vu le jour la même année, dans le cadre d’Expo 67, avec son projet de tour spectaculaire, baptisée Paris-Montréal, qui n’a jamais vu le jour, et son Gyrotron qui n’aura été qu’un pétard mouillé de 3 millions de dollars de 1967 — soit 22 millions de dollars de 2017, si l’on tient compte de l’inflation. Il a déçu dès son ouverture avec son divertissement plutôt insignifiant, et ce, jusqu’en 1983, avant d’être remplacé par Le Monstre.
Au fil des pages et des photos, le lecteur monte et descend en terrain connu, avec parfois quelques surprises, comme la rencontre avec ce panneau de signalisation pour annoncer les toilettes, qui a fait son apparition à Expo 67 et à La Ronde. Le designer de Toronto Paul Arthur est l’inventeur de ce pictogramme épuré de toutes connotations culturelles pour être compris par tous. Le dessin est désormais répandu à travers le monde.
Ailleurs, on découvre que le commandant Jacques-Yves Cousteau a été pressenti lors de la construction du parc d’attractions pour plancher sur un village sous-marin qui aurait été installé sous le lac des Dauphins. Ce projet n’a jamais vu le jour, tout comme celui de l’Arche de Noé, une embarcation flottante qui aurait dû accueillir des animaux en voie de disparition.
Le bouquin se promène entre histoire et hagiographie d’un lieu et trouve surtout son point d’intérêt dans le fini suranné des photos qu’il montre plutôt que dans les histoires (maintes fois entendues) qu’il raconte.