Le premier roman de Marie-Hélène Larochelle raconte le cauchemar d’une adoption

Propriétaires d’une boîte de design à Toronto, Emma et Gregory, en couple depuis une dizaine d’années et sans enfants, ont entamé des procédures pour adopter à l’international. C’est donc avec bonheur qu’ils apprennent qu’un orphelinat de Saint-Pétersbourg leur propose d’adopter des jumeaux de quinze mois.
C’est ainsi que Daniil et Vanya arrivent dans leur vie, choyés, désirés, aimés. Mais très vite, les petits Russes développent des comportements inquiétants. « Dans la maison, les jumeaux détournaient tous les jouets de leur emploi : les voitures devenaient des projectiles, les blocs de construction étaient frappés contre les murs, les livres, déchirés, les crayons, dévorés. » La faute, se disent les parents, sans trop savoir, à l’alcoolisme de leur mère, au traumatisme de la vie en orphelinat, à l’incontournable choc de leur transplantation au Canada.
On réalise, dès lors, que Daniil et Vanya, le premier roman de Marie-Hélène Larochelle, est une sorte de thriller psychologique. L’effet de tension permanente, qui s’accroît au fil de la lecture, est plutôt habile et nous fait craindre le pire.
Et très vite, les parents doivent se rendre à l’évidence : les jumeaux ne font rien comme les autres. À peu près muets, inexplicablement violents, isolés, collés l’un à l’autre comme l’arbre et l’écorce. Les indices d’une catastrophe imminente s’accumulent, mais leur mère, qui fait pour nous le récit de ces événements, s’accroche à son rêve de maternité et semble avoir fait le choix naturel de les refouler un à un.
Mais les deux frères montrent des signes inquiétants de manque d’empathie — pour le lecteur, l’évidence s’impose peu à peu. Une fillette disparue durant une sortie scolaire, un chat mutilé, des rumeurs qui persistent et qui enflent : les deux garçons semblent laisser derrière eux une traînée d’incidents troublants.
Faisant un bond dans le temps, la deuxième partie du roman nous montre les jumeaux à l’âge de 16 ans, plus troubles encore et toujours aussi soudés l’un à l’autre. Leur charme étrange, froid et vénéneux, garde la plupart des gens à distance, tandis que leurs parents s’enfoncent peu à peu dans l’inquiétude — et que leur relation se délite.
Porté par une écriture solide en même temps qu’effacée, Daniil et Vanya distille par moments une tension sexuelle perverse, un peu racoleuse, qui semble parfois faire écho, par le fond et la forme, à l’oeuvre d’Agota Kristof (auteure, tenez, d’une fameuse « trilogie des jumeaux » : Le grand cahier, La preuve et Le troisième mensonge, petits joyaux de cruauté et de perversion).
Et si le drame est bel et bien au rendez-vous, le roman ne remplit pas vraiment ses promesses de descente en enfer. Malgré certains éléments de surprise, l’histoire nous entraîne plutôt sur une espèce de long faux plat où les signes de la tension ne font que s’accumuler sans nous mener vraiment au climax. Ce qui n’est peut-être pas non plus un défaut.