Claudine Potvin explore la confusion des sens et des sentiments sous les tropiques

Au cours de l’Exposition universelle de Montréal de 1967, un jeune couple de Québécois fait la rencontre de quelques membres enthousiastes de la délégation cubaine. Deux mois plus tard, tous les deux débarquent à La Havane, la tête remplie d’idéaux, de craintes et de fantasmes.
Louise, la narratrice du premier roman de Claudine Potvin, Le sexe de Fidel, avait tout juste vingt ans, alors que son copain Marc, qui se disait « poète radical », avait quelques années de plus. Ils y passeront toute une année. Une année à s’éloigner, à se retrouver, à se perdre.
Quarante ans plus tard, à l’heure de raconter son expérience, Louise tente de mettre de l’ordre dans ses souvenirs et dans ses sens à travers le bilan de ces années gorgées de passion et de mythes, de littérature latino-américaine et de musique.
Cuba, il est vrai, n’était pas le paradis qu’on lui avait fait miroiter et une certaine misogynie y régnait. Elle va le découvrir assez vite, malgré l’épais vernis d’un discours révolutionnaire qui prônait l’égalité entre les classes, les sexes et les couleurs de la peau. Mais au coeur de cette ambiance chaude, le désir reprend ses droits. « Aujourd’hui, je refuse de m’émerveiller de votre chaleur, de votre fausse joie de vivre, de votre énergie, de votre résistance, de votre métissage. Rongées par l’histoire, les luttes inutiles, le cordon autour du cou, les chaînes au pied, les Antilles pleurent encore. »
Dans cette « île fondamentale » ramollie sous le soleil de son dictateur omniprésent, la jeune Québécoise va connaître deux fortes histoires d’amour tropicales — avec un peintre plus âgé, puis avec un poète, Pablo. Elle reviendra dans l’île deux ans après ce premier séjour, retrouver son Pablo avant de le quitter une autre fois, abandonnée à la confusion des sens et des sentiments.
Originaire de Saint-Félicien au Lac-Saint-Jean, née en 1947, Claudine Potvin a longtemps enseigné la littérature à l’Université de l’Alberta. Côté fiction, elle est déjà l’auteure de trois recueils de nouvelles, Détails, Pornographies (L’instant même, 1993 et 2002) et Tatouages (Lévesque éditeur, 2014).
Moi, j’ai bien senti dès le départ toute la démesure de ces insulaires, de leur sexe déchaîné, fouetté par le vent et les pluies torrentielles d’un ouragan semblable à un encensoir brillant dans la nuit de mon enfance.
L’écriture est sensuelle, les phrases souvent fortes, Le sexe de Fidel contient de belles pages sur le désir au féminin. Mais Claudine Potvin n’a pas su éviter certains des écueils qui guettent tout auteur d’un premier roman. Ainsi, la présence de nombreuses notes de bas de page, offrant des précisions historiques ou culturelles, apparaît comme une erreur. Si elles sont parfois intéressantes, elles brisent le rythme et le ton de la narration — en plus de laisser un arrière-goût didactique.
La structure un peu confuse du roman a aussi pour effet d’affaiblir son récit. En glissant, de façon assez inexplicable, vers une narration à la troisième personne, le dernier tiers du livre rompt avec ce qui faisait une grande part de l’intérêt du roman : une narratrice, installée au coeur de sa sensibilité, qui nous raconte une expérience fondamentale pour elle.
« Fidel est décédé. Qu’adviendra-t-il de mon île ? » se demande-t-elle. Les mythes meurent-ils jamais ? Et puis il restera toujours le peuple cubain, « extrême, excessif, unique, farfelu, plaisant, idyllique, malléable et entêté, volubile, provoquant, tropicalisant, baroque, désarmant, coulant, liquide, mouvant, hybride, fou à la folie… »