Le ciel, Sylvie Drapeau

Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir de réconfort d’une voix, celle d’une mère expliquant au téléphone à sa fille sa recette de sauce à spaghetti. L’une se trouve sur la Côte-Nord, l’autre à Paris, perdue, seule, en chute libre. Dans sa cabine téléphonique, elle va savourer la douceur dans l’étrangeté du moment — « Tu veux faire manger mon spaghetti aux Français ? » demande la mère. Puis, elle replonge dans l’inconfort d’un voyage manqué. La voix intérieure de la narratrice a ce souffle maîtrisé des grandes comédiennes, ce qu’est Sylvie Drapeau, qui donne ici sa suite au Fleuve, récit d’une catastrophe familiale qui relatait la noyade d’un frère. Le ciel, qui relève bien plus de l’épistolaire curatif que d’un geste romanesque fort, parle à une mère qui n’est plus là, remonte le fil d’un passé, d’un héritage, en parlant de conservatisme, de premier amour, d’un voyage à Paris, d’un Québec en mutation et de ces sales maladies qui brisent parfois trop tôt les liens et font s’éteindre définitivement des voix. « Si nous avions su, que ce serait si court la vie avec toi, nous t’aurions mieux regardée, peut-être mieux aimée », dit la narratrice dans la brièveté de ce monologue à la tonalité juste qui laisse l’intime se révéler dans son incroyable universalité.