L’interculturalité d’une métropole par les pierres et le bois

L’influence mutuelle de l’inspiration française, devenue par la rigueur de nos hivers et la jeunesse du continent très canadienne, et de l’esprit britannique, tous deux ouverts à d’autres apports et à la modernité, constitue la ligne de force du superbe livre Belles demeures historiques de l’île de Montréal. François Rémillard, historien de l’architecture, et Brian Merrett, photographe, y montrent que bâtir une métropole, c’était surtout lui donner une vie.
Grâce à des textes à la fois fouillés et saisissants ainsi qu’à environ 250 photos en couleurs de grande qualité artistique, ces spécialistes de la mise en valeur du patrimoine montréalais présentent 40 maisons judicieusement choisies, construites entre 1662 et 1970. Après une préface de l’historien Michel Lessard et un substantiel exposé sur le contexte géographique et historique global, défile un riche album qui commence par la description détaillée de six demeures, rares et éloquents témoins de la Nouvelle-France.
Rémillard a pris soin de fixer la date de construction des immeubles en tenant compte des recherches les plus récentes. La maison Saint-Gabriel (1662), située dans le sud-ouest de Montréal et vendue par le pionnier François Le Ber à Marguerite Bourgeoys, où, fondatrice d’une congrégation enseignante, elle y accueillit des Filles du roi arrivées de France pour peupler la colonie, ouvre la marche. Un grand nombre de Québécois descendent des demoiselles à marier qui y séjournèrent.
Voir dans cette massive maison de pierre, remplie d’antiquités très usuelles, l’emblème de la vie quotidienne des siècles passés est loin d’être une vaine image. La maison Hurtubise (1739), demeure de cultivateurs à l’aise de Westmount, du temps que le lieu, encore rural, s’appelait la côte Saint-Antoine et que personne n’y parlait anglais, lui fait écho. Mais, après la Conquête de 1759-1760, l’influence britannique s’y fit sentir dans les boiseries de style géorgien tardif, exécutées en 1810 par François Charpentier.
Un membre de la famille Molson contribue, en 1956, à la sauvegarde de la maison. Comme quoi l’amour des choses belles, vieilles et simples transcende les différences culturelles, voire politiques. Sauvée par le journaliste d’ascendance britannique Eric McLean, la maison Papineau (1785), joyau du Vieux-Montréal et souvenir du chef des Patriotes, l’illustre à merveille.
Si, avenue des Pins, Ravenscrag (1861), jadis résidence de l’armateur Hugh Allan, né en Écosse, s’inspire des villas toscanes de la Renaissance, à Senneville, Le Sabot (1912), domicile d’un Morgan, esthète de la famille qui posséda les grands magasins du même nom, retrouve l’esprit de l’architecture domestique de la Nouvelle-France. Étonnant mais naturel que ce riche descendant de Britanniques fasse de l’humble terroir d’ici un modèle de prestige !