Marcello, l’anti-divo

1955, sur le tournage de La Bella Mugnaia de Mario Camerini: Marcello Mastroianni et Sophia Loren commencent à embrasser le statut d’icônes.
Photo: Éditions de La Martinière 1955, sur le tournage de La Bella Mugnaia de Mario Camerini: Marcello Mastroianni et Sophia Loren commencent à embrasser le statut d’icônes.

N’eût été le flair de Fellini, Marcello Mastroianni aurait été confiné à jouer les chauffeurs de taxi jusqu’à la fin de sa vie. En regardant les superbes photos du grand acteur italien qui composent cette passionnante filmographie de Jean A. Gili, il est difficile de croire que certains réalisateurs jugeaient son physique passe-partout et ne percevaient pas tout le potentiel de jeu qu’il avait en lui.

« En plus d’être un homme extrêmement intelligent, délicat, attentif, Marcello perçoit immédiatement les situations et correspond toujours à ce qu’on veut de lui. C’est un acteur parfait, exemplaire, qui se met chaque fois tout entier à la disposition du metteur en scène », disait de lui le réalisateur de 8 ½.

Acteur de théâtre ayant cumulé quelques petits rôles au grand écran dès la fin des années 1930, Mastroianni commence à s’illustrer au cinéma dans les années 1950, décennie durant laquelle il croise sur les plateaux Gina Lolobrigida, Claudia Cardinale et Sophia Loren. C’est aussi l’époque où il tourne sous la direction de Blasetti, de Visconti, avec qui il a travaillé au théâtre, et de Monicelli.

À la fois bon vivant et mélancolique, l’homme ne se prend pas au sérieux dans la vie ni ne se prend la tête sur le plateau. Entre chaque prise, il redevient Marcello, celui qui aime les femmes, le bon vin et la bonne chère : « Plus âgé que moi de dix ans, et beaucoup plus désinvolte, Marcello arrivait sur le plateau délicieusement décontracté, alors que moi je m’appliquais comme une bonne élève par peur de me tromper, d’être ridicule, tandis que lui, il travaillait à la dernière minute », se souvient Loren.

Ce n’est qu’en 1960 qu’il connaît la gloire internationale grâce à La dolce vita de Fellini, sans contredit le film le plus emblématique de sa carrière remarquable. Dès lors, on accole à Mastroianni l’étiquette du Latin lover contre laquelle il se battra toute sa vie en s’illustrant dans des rôles d’impuissants, d’homosexuels et de vieillards.

Divisé en décennies, Marcello Mastroianni raconte l’acteur à travers ses différents rôles à la scène et à l’écran. À travers les pages, c’est non seulement un pan de l’histoire du cinéma italien que Gili offre aux cinéphiles, mais aussi un pan de l’histoire du cinéma international puisque la carrière de Mastroianni l’amena à jouer chez les Blier, Altman, Mikhalkov, Ruiz et Angelopoulos. Truffé de témoignages de réalisateurs l’ayant dirigé, notamment le regretté Ettore Scola, et d’acteurs ayant partagé avec lui le haut de l’affiche, le livre aborde la vie privée de Mastroianni sans jamais sombrer dans la chronique people.

Cinq ans après avoir publié Le cinéma italien (La Martinière, Paris, 2011), Jean A. Gili, grand spécialiste du cinéma italien et directeur du Festival du film italien d’Annecy, signe une oeuvre plus modeste, mais tout aussi captivante que la précédente, qui s’avère le complément idéal de sa colossale leçon de cinéma magnifiquement illustrée. Et aussi, c’est le cadeau idéal pour tout cinéphile voulant célébrer la douce mémoire de l’acteur disparu en décembre 1996 à 72 ans.

Marcello Mastroianni

★★★ 1/2

Jean A. Gili, Éditions de La Martinière, Paris, 2016, 192 pages.

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