L’assassinat d’un sénateur

Point de départ de l’enquête : un sombre meurtre commis sur un vol New York-Montréal
Photo: iStock Point de départ de l’enquête : un sombre meurtre commis sur un vol New York-Montréal

À l’automne 2014, la redécouverte — pour les francophones, il faut plutôt parler de découverte — de l’oeuvre de David Montrose a fait tout un tabac. Meurtre à Westmount révélait un écrivain vivant ici au tout début des années 1950 et maîtrisant le « noir » presque aussi bien que Dashiell Hammet ou Raymond Carver. Luxe suprême, il mettait aussi en scène un privé avec du chien, Russell Teed, que l’on pouvait même aller jusqu’à comparer à Philip Marlowe.

On attendait la suite avec impatience…

La voici donc, avec ce deuxième roman de Montrose publié au départ en 1952 à Toronto, puis repris en 2010 chez Vehicle Press. Disons tout de suite que le choc de la découverte est moins marquant qu’il y a deux ans.

L’intrigue est pourtant d’une grande complexité — l’assassinat d’un sénateur sur le vol New York-Montréal entraîne une série de meurtres sordides — et le lecteur ne devinera qu’à la toute fin qui a fait quoi et pourquoi. Mais dès le départ, quelque chose agace sans que l’on puisse clairement définir le malaise.

Cela tient peut-être au fait que le Montréal qu’on nous propose ici est très différent de celui dans lequel s’incarnait la première enquête de Russell Teed. La ville semble commencer quelque part autour de la rue Peel, tourne le plus souvent vers Sherbrooke Ouest et passe quelques rares fois du côté de l’ancienne rue Aylmer avant de remonter à Westmount. À part quelques incartades du côté de la gare Windsor et des cabarets du « strip Décarie », Montréal ne semble être là que pour ensuite s’étirer jusqu’à Pointe-Claire et Dorval. C’est tout. Rien d’autre. Jean Drapeau et Pax Plante n’auraient pas eu grand-chose à faire ici…

Truands et femmes fatales

 

Russell Teed, lui, a toujours le même don d’attirer les ennuis, les femmes fatales et les truands ; il est justement dans l’avion, près du sénateur, lorsque ce dernier est tué. Mais peut-être parce que les quantités industrielles d’alcool qu’il ingurgite donnent peu de crédibilité à ses déductions, on a l’impression tout au long qu’il crâne en ne sachant jamais vraiment ce qui se passe ou ce qu’il doit faire, et que l’histoire s’étire en se mordant la queue.

Heureusement, le cynisme de Teed et surtout l’humour de Montrose sont toujours aussi étonnants ; personne n’aligne les images déconcertantes comme il sait le faire. Son écriture toujours aussi fluide surprend, mais ses personnages sont ici presque tous stéréotypés — de la femme éplorée au videur sans culture —, à un point tel que l’on a souvent l’impression de lire une bande dessinée. Drôle et colorée de différentes teintes de gris et de noir, il va sans dire.

Par contre, certains partis pris de traduction, que l’on sentait probablement moins dans le premier livre, se révèlent de plus en plus agaçants à mesure que l’on avance dans l’histoire. Cette manie, par exemple, de faire sauter toutes les négations dans les dialogues tombe vraiment sur les nerfs. Et c’est sans parler de ce choix de page couverture encore plus ratée que la première ; pourquoi ne pas avoir carrément choisi une signature « années 1950 » au lieu du style « roman pour ados » qu’on nous propose ici ?

Russel Teed n’hésiterait pas à s’ouvrir en souriant une grosse bouteille de Molson en voyant une image aussi mièvre…

Meurtre dans le ciel de Dorval

David Montrose, traduit de l’anglais par Sophie Cardinal-Corriveau, Hurtubise, Montréal, 2016, 278 pages

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