Une Déclaration pour les bibliothèques

Le ministre de la Culture et des Communications, Luc Fortin, a déposé mercredi matin à l’Assemblée nationale la Déclaration des bibliothèques québécoises, rédigée par la Table permanente de concertation des bibliothèques québécoises. Pour ces dernières, le geste est d’une belle importance, et assied une reconnaissance de la valeur des biblios.
« C’est un symbole fort qui appuie le rôle fondamental des bibliothèques, indique Christiane Barbe, présidente de la Table et présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. C’est aussi un message à ses collègues décideurs comme au grand public. C’est ultimement l’engouement collectif pour les bibliothèques que nous souhaitons créer qui confirmera ce qu’elles sont : de formidables leviers de richesse culturelle, sociale et économique. »
Stéphane Legault, président de l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ), ajoute qu’il « s’agit là d’un premier pas vers une reconnaissance officielle de la mission de nos bibliothèques publiques, et nous espérons que la Déclaration servira de moteur pour la reconnaissance pleine et entière des missions des bibliothèques publiques par les municipalités ».
Cette Déclaration décrit le bien collectif et l’investissement social qu’est la bibliothèque, mais aussi ses axes d’intervention et la nécessité de son accessibilité. Une accessibilité qui « découle des activités d’organisation, de traitement et de structuration de l’information qui sont propres à l’expertise technique et professionnelle du personnel qualifié », y lit-on.
Justement, répond Eve Lagacé, qui en profite pour rappeler qu’en bibliothèque… un bibliothécaire devrait être nécessaire.
Chacun son métier
Au Québec, selon l’Enquête annuelle des bibliothèques, chez les responsables des institutions autonomes en 2014, on trouvait seulement 42 % de bibliothécaires de formation (sciences de l’information), 29 % de techniciens en documentation, et surtout 29 % ne possédant pas de formation pertinente, mais arrivant plutôt, et ces exemples sont réels, avec une formation en secrétariat, en éducation physique, en aménagement intérieur ou en musicologie…
Les bibliothèques de Rawdon et de La Tuque ont par ailleurs récemment aboli leurs postes de bibliothécaires. « Il ne viendrait jamais à l’esprit d’une municipalité de confier le service de trésorerie à quelqu’un d’autre qu’un comptable ; pourquoi est-ce que dans plus de la moitié des cas, on confie une biblio à quelqu’un d’autre qu’un bibliothécaire ? » questionne madame Lagacé, directrice générale de l’ABPQ. « D’autant qu’on observe une corrélation évidente entre la performance d’une bibliothèque et la présence d’un bibliothécaire », ajoute-t-elle.
Fannie Tremblay, directrice générale de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (CBPQ), s’interroge sur cette non-reconnaissance, sinon cette dévalorisation du rôle. Elle comprend qu’il y a confusion : plusieurs perçoivent encore le bibliothécaire comme la personne qui remet les bouquins en rayonnage en tançant les uns de « chut ! » sonores. Une image fausse.
« Il y a beaucoup de confusion entre le commis, le technicien en documentation et le bibliothécaire », tous essentiels, mais dont on amalgame les mandats. « Ce dernier est souvent en arrière dans son bureau, spécialisé en gestion de personnel, de collections, et d’opérations. C’est un caméléon qui s’adapte à la clientèle, qui développe des spécialités pour bien répondre à ses attentes. » C’est aussi la personne qui a une vue d’ensemble et une compréhension des besoins des usagers, des employés, des collections et des instances municipales.
Bibliothécaire et rédacteur
Pour le professeur de bibliothéconomie à l’Université de Montréal, Réjean Savard, « le bibliothécaire est l’intermédiaire entre l’information et le public ; et comme l’info, ses niveaux, ses supports sont de plus en plus variés et complexes, il devrait être de plus en plus valorisé. Et c’est un gestionnaire. Son métier est à plusieurs facettes : gestion, animation, médiation, traitement de l’info ; c’est peut-être ce qui explique pourquoi les gens ont du mal à saisir ce que c’est ».
En Europe, le bibliothécaire devient aussi producteur de contenu. La Bibliothèque de Lyon a ainsi lancé un Guichet du savoir, où se retrouvent des résumés de questions d’actualité. « Pour ce genre de travail, et pour la médiation numérique vers laquelle on s’en va, ça prend des gens formés », indique monsieur Savard.
L’ABPQ et la CBPQ espèrent donc que la Déclaration des bibliothèques québécoises aidera non seulement à reconnaître et à valoriser les institutions, mais aussi les bibliothécaires.