Importante gratuité

Des bibliothèques pour tous ? On y est presque : huit municipalités du Québec ont adopté la gratuité de l’abonnement à leur bibliothèque depuis 2014. Deux autres suivront au 1er janvier 2017, permettant de faire passer de 14 % à 5,8 % pour l’an prochain le nombre de bibliothèques publiques autonomes payantes dans la province. Un bon pas pour l’accès universel aux bibliothèques au Québec ; et une réflexion pour entamer la 18e Semaine des bibliothèques publiques.
« C’est important que les enfants aient accès à une bibliothèque ; que tout le monde, vraiment, tous les citoyens, peu importe leurs revenus, y aient accès », clame en entrevue Stéphane Legault, président de l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ), qui regroupe les bibliothèques autonomes des villes de 5000 habitants et plus. Car si les tarifs sont souvent symboliques — entre 5 $ et 20 $, parfois jusqu’à 35 $ par année —, ils peuvent tout de même rebuter.
Toujours l’utilisateur-payeur
Certaines villes croient encore davantage au principe de l’utilisateur-payeur qu’à l’universalité de l’accès à la bibliothèque. Une philosophie, sinon une mode, née selon M. Legault dans les années 1990 « quand le gouvernement provincial a pelleté une part de son déficit dans les cours des municipalités. Plusieurs villes alors, par le truchement de leurs services des loisirs, ont décidé de tarifer tout ce qui était activités de loisirs. »
C’est cette vision qui serait la racine du problème, pour le président de l’ABPQ. Au Québec, les bibliothèques seraient encore trop souvent reconnues comme un « service de loisirs », au même titre que l’entretien des patinoires et les cours de natation, plutôt que pour leur mission d’éducation, d’alphabétisation, d’information et de culture, comme le prône le manifeste de l’UNESCO sur les bibliothèques publiques. Le loisir ne fait pas partie de cette mission ? Le président de l’ABPQ a le sourire dans la voix : « La lecture de détente est déjà là, elle va rester, c’est normal. Au Québec, les bibliothèques restent associées aux loisirs culturels. C’est un des axes. Il en reste donc 3 sur 4 où on n’est pas encore reconnus. Et c’est là qu’on se bat. En faisant de la sensibilisation auprès des élus pour faire comprendre que la tarification des bibliothèques prive la collectivité d’une richesse. Ou en démontrant l’impact des bibliothèques en littératie, ou en alphabétisation, où on a beaucoup de travail à faire avec notre taux de 53 % d’analphabètes fonctionnels, et où il suffirait pour aider de laisser les bibliothèques jouer leur rôle, pleinement. »
Doubler la moyenne
« Plusieurs villes, dont Laval, qui a été très prompte, se sont rapidement rendu compte que la tarification n’était pas une bonne idée, rappelle M. Legault, qu’elle créait un impact négatif sur l’abonnement et le prêt. » Une incidence chiffrée dès 2004 par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, dans son État des lieux du livre et des bibliothèques, qui remarquait dès lors que « la moyenne des abonnés dans les 17 villes qui réclamaient plus de 15 $ en 2001 pour l’abonnement adulte, s’établissait à 20,8, alors que cette même moyenne, dans les villes qui ne tarifaient pas, était de plus du double. »
Si Amos, Asbestos, Candiac, Côte-Saint-Luc, Mont-Joli, Rimouski, Sainte-Marie et Saint-Rémi offrent depuis peu la gratuité à leurs citoyens, si Drummondville et Mirabel leur emboîteront le pas l’an prochain, 16 villes continuent de demander de l’argent sonnant et trébuchant contre leurs prêts de livres, selon les données de l’ABPQ demandées par Le Devoir, telles Mont-Saint-Hilaire, Rouyn-Noranda, Salaberry-de-Valleyfield et Beloeil, par exemple.
« Certaines villes continuent de croire qu’il est important que le citoyen se rappelle que ça coûte quelque chose, une bibliothèque, interprète Stéphane Legault. Elles oublient peut-être que ça rapporte aussi ; qu’il y a un retour sur l’investissement. » Car comme il n’y a pas de législation provinciale sur les bibliothèques publiques autonomes, chaque municipalité, chaque ville est libre de faire ce qu’elle veut. Investir massivement en livres, ou supprimer un poste de bibliothécaire, ou même abolir carrément la bibliothèque. Mais le président de l’association tient à préciser que l’écoute des villes maintenant est grande, que l’importance de travailler de concert semble devenir de plus en plus évidente.
Le ministère de la Culture et des Communications du Québec a de son côté ajouté une mesure incitative, exigeant pour 2018-2019 que les demandeurs à l’aide aux Projets en développement des collections des bibliothèques publiques autonomes offrent gratuitement leur service de bibliothèque publique.
Les bibliothèques publiques québécoises en 2016
1055 bibliothèques publiques
2 590 967 Québécois abonnés, soit 32,8 % de la population
56 144 230 documents empruntés
plus de 25 millions de livres disponibles
7,11 emprunts par habitant