Une communauté souterraine de lecteurs

«Les Dinosaures», chez Larousse, «1984» de Georges Orwell, «Onze minutes» de Paolo Coelho… Sous terre, la diversité des lecteurs témoigne aussi de la diversité des humains à la surface.
Photo: Grande bibliothèque souterraine de Montréal «Les Dinosaures», chez Larousse, «1984» de Georges Orwell, «Onze minutes» de Paolo Coelho… Sous terre, la diversité des lecteurs témoigne aussi de la diversité des humains à la surface.

La symbiose est savoureuse : La fille du train, intrigue psychologique de la Britannique Paula Hawkins, a été beaucoup lu par les usagers du métro de Montréal depuis sa parution en janvier 2015. Même chose pour le dernier bouquin de Kim Thuy, Vi, qui, depuis le printemps dernier, semble avoir la faveur du voyageur souterrain. Et que dire des bouquins de Stephen King, de Chrystine Brouillet ou de Dany Laferrière, que le regard indiscret peut souvent identifier dans les mains des urbains en déplacement sur la ligne orange, verte, bleue ou jaune. Preuve photographique désormais à l’appui.

Depuis avril dernier, le projet baptisé Grande bibliothèque souterraine de Montréal fige en effet l’indiscrétion de ce regard dans une série de clichés sensibles et amusants qui volent l’intimité du lecteur de métro pour en révéler les intérêts littéraires. Une aventure artistique et photographique qui confirme que les territoires propices au voyage, sur pneumatique ou autre, sont aussi des invitations au voyage dans le monde des Lettres.

Photo: Grande bibliothèque souterraine de Montréal «Les Dinosaures», chez Larousse, «1984» de Georges Orwell, «Onze minutes» de Paolo Coelho… Sous terre, la diversité des lecteurs témoigne aussi de la diversité des humains à la surface.

« Les gens lisent beaucoup dans le métro de Montréal », lance à l’autre bout du fil Francesca Roy qui, avec son amie Stéphanie Filion, a créé ce poste atypique d’observation, en s’inspirant d’un exercice de style similaire mené par une photographe dans le métro de New York. « Il est rare de ne pas croiser quelqu’un avec un livre. Un livre papier, d’ailleurs, plus qu’une tablette », et qui témoigne de quelques obsessions du moment, oui, mais surtout d’une grande diversité.

Des humains et des Lettres

 

Arthur Golden et son Geisha, les Actes des apôtres, Le Petit Grevisse de Maurice Grevisse, l’Outlander de Diana Gabaldon, Where nobody Knows your Name de John Feinstein, Dans la forêt de Sibérie de Sylvain Tesson, Québec en deux temps, La classe de madame Valérie de François Blais… Le voyageur du métro lit beaucoup, mais il lit aussi de tout, sans distinction d’âge, de sexe ou de couleur, assurent les instigatrices de ce projet qui, sur la base des nombreuses photos prises dans le métro, peinent toujours à dresser le portrait type du lecteur souterrain. « Il est multiple », dit Francesca Roy, avec toutefois une préférence pour les ouvrages didactiques et les classiques sur la ligne bleue, qui dessert entre autres les pavillons de l’Université de Montréal, et un rapport étonnant à des livres en anglais, pas seulement là où le métro se promène en dessous des zones urbaines à forte concentration d’anglophones, précisent-elles.

Photo: Grande bibliothèque souterraine de Montréal Le voyageur du métro lit beaucoup, mais il lit aussi de tout, sans distinction d’âge, de sexe ou de couleur.

« Nous avons lancé ce projet pour le plaisir, simplement pour montrer que le métro est un lieu de lecture et que l’on croise un peu de tout » dans cette diversité qui est finalement cohérente avec celle qui se trouve à la surface.

Lieu d’exposition d’une réalité sociale définie par ses livres, la Grande bibliothèque souterraine de Montréal cherche à faire la promotion de la lecture, indirectement. Comment ? En prêchant par l’exemple mis en photo et diffusé autant sur Instagram, Facebook que sur un blogue, mais aussi en offrant aux visiteurs un lien pour retrouver le bouquin photographié dans les catalogues de la Grande Bibliothèque de Montréal. « C’était un lien évident pour nous, dit Francesca Roy, pour partager cette passion de la lecture et du livre. »

Consultez notre dossier Les 50 ans du métro de Montréal 

Vitrine du livre — Raconte-moi le métro de Montréal, Benoît Cléroux

Histoire
Raconte-moi le métro de Montréal
Benoît Clairoux
Petit homme
Montréal, 2016, 144 pages

Le métro de Montréal a été mis en service le 14 octobre 1966, c’est-à-dire il y a 50 ans. Dans ce petit essai destiné aux jeunes lecteurs, Benoît Clairoux raconte avec clarté et vivacité l’histoire de cette infrastructure qui contribue à la personnalité de Montréal. Il rappelle à notre mémoire les « pères du métro » — le maire Jean Drapeau, le président du comité exécutif Lucien Saulnier et l’ingénieur Lucien L’Allier — et il aborde avec une étonnante efficacité les considérations techniques (métro sur pneus), économiques, artistiques et sociales (rôle des ouvriers, première femme opératrice de métro en 1981) liées à cette histoire. Le résultat est instructif et charmant. Quand on apprend que des cégépiens pensent que Meech est le nom d’une microbrasserie, on se dit que tout ce qui peut contribuer à faire connaître l’histoire récente aux jeunes Québécois est bienvenu. C’est justement ce à quoi s’emploie la collection Raconte-moi, qui publie aussi, cette saison, des ouvrages sur les Alouettes de Montréal (Jean-Patrice Martel) et sur P.K. Subban (Jonathan Bernier), simplistes mais agréables, de même qu’une petite bio de Didier Drogba (Jessica Lapinski), qui déçoit par son style trop platement descriptif.
Louis Cornellier


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