La machine Potter reprend du service

Fin juin, l’auteure de la saga Harry Potter, J.K. Rowling, a assisté à la représentation de la pièce «Harry Potter et l’enfant maudit», à Londres.
Photo: Joel Ryan / Invision / Associated Press Fin juin, l’auteure de la saga Harry Potter, J.K. Rowling, a assisté à la représentation de la pièce «Harry Potter et l’enfant maudit», à Londres.

Ce vendredi, à minuit, paraîtra en français le nouvel opus de J. K. Rowling. Après sept tomes, de nombreuses éditions, sans compter les films et les produits dérivés, le sorcier crée — encore — une nouvelle illusion. Dans une mise en marché cousue de fil blanc qui n’est pas sans soulever quelques questions.

Harry Potter et l’enfant maudit est une pièce de théâtre jouée pour la première fois au Palace Theater à Londres le 31 juillet 2016. Écrite conjointement par J.K. Rowling et Jack Thorne et scénarisée par John Tiffany, la pièce y est présentée à guichets fermés jusqu’en 2017.

Des critiques élogieuses en font d’ores et déjà un mégasuccès. Marina Daras du Figaro mentionnait que « ce pourrait être l’un des plus gros succès [du Théâtre] londonien après Les misérables ». Susannah Clap du Guardian soulignait quant à elle l’ingéniosité et l’enchantement créés entre l’étrangeté et la vie quotidienne, ce pour quoi elle accordait quatre étoiles.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, sur les planches, offrant un angle différent à l’univers de Rowling. Mais la machine Potter est avide de rayonnement. Ce serait à la demande des fans, qui ne pourront assister aux représentations, que l’intégrale de la pièce qui s’étire sur quelques 800 pages est parue en version anglaise tout juste après la première.

Le 31 juillet à 0:01, les plus fervents amateurs d’Harry se massaient devant les librairies dans l’attente de mettre la main sur cet opus. L’Obs rapporte qu’à Londres, à la librairie Waterstones, 700 fans, dont certains déguisés en sorciers, ont fait la file avant l’ouverture des portes. À New York, c’est plus de 500 personnes qui attendaient devant la succursale Barnes Noble d’Union Square, alors qu’à Singapour 300 lecteurs étaient devant la librairie Kinokuniya dès 7 h le matin, voulant à tout prix être les premiers au monde à se procurer le livre.

Folie furieuse, préparez-vous parce que la vague s’en vient. Y compris à Montréal alors que la Librairie Gallimard accueillera les fans ce jeudi à partir de 20 h. Neuf ans après la sortie du 7e volume, la version française de cette 8e aventure paraîtra le 14 octobre à 0:01. Véritable chasse gardée, impossible de mettre la main sur ce livre — et par le fait même d’offrir une critique aux lecteurs — avant sa sortie officielle, et ce, même si l’histoire reste un secret de polichinelle pour plusieurs.

Entretenir l’illusion

Sans rien enlever au génie de Rowling, soulignant le fait qu’elle a su faire lire beaucoup de jeunes et moins jeunes, on peut se questionner sur la publication de cette pièce, l’omniprésence du phénomène, mais surtout l’extravagance entourant la mise en marché. La suffisance avec laquelle la machine Potter fait baver ses adeptes — leur donnant des airs de junkies en manque — et maintient les critiques en dehors du circuit avant la parution témoigne de toute l’arrogance avec laquelle elle s’autoproclame intouchable. Pensez et dites ce que vous voudrez, nous sommes Potter.

Après la parution, Jessica Contrera du Washington Post mentionne pourtant que « lire l’ouvrage, c’est comme jeter un coup d’oeil à ses notes inachevées. La magie se perd ». Dans Le Monde, Alexis Orsini titrait son article paru le 9 août dernier : « Harry Potter et l’Enfant maudit : une suite réussie mais dispensable ».

Alors, pendant que Potter occupe les planches, les écrans, les rayons des librairies, sans compter les nombreux produits dérivés, pendant que cette grosse machine n’en finit plus de renaître — un cycle romanesque traduit en 79 langues, dans 200 pays, avec plus de 450 millions exemplaires vendus à travers le monde —, le temps passe et le lecteur, ne pouvant appuyer son choix sur une critique éclairée, mord bêtement à l’appât.

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