Des airs de Nations unies au CCA

Sa résonance est planétaire, ses collaborateurs, de multiples nationalités. Depuis ses débuts, et malgré un nom très local, le Centre canadien d’architecture (CCA) parle au monde. Rue Baile, on veut pourtant faire davantage outre-frontières.
Le CCA mise désormais sur l’édition multilingue. Deux récentes parutions portant son logo se lisent, l’une en portugais, l’autre en espagnol — et en anglais, dans des éditions distinctes. Uma Anatomia do Livro de Arquitectura, publication issue d’une recherche de l’architecte et éditeur André Tavares, également commissaire de la Trienal de Arquitectura de Lisboa 2016, a même été primée ce printemps à la Bienal Iberoamericana de Arquitectura y Urbanismo.
La monographie AP 164 : Ábalos Herreros découle des expositions consacrées en 2015 par le CCA à cet ancien bureau d’architectes espagnol. D’autres publications suivront, dont un projet en italien déjà bien ancré. Des livres en japonais, eux, ne sont toutefois qu’à l’étape de souhait.
L’idée du livre est de présenter une recherche, non pas d’accompagner une exposition
« Les livres nous donnent la possibilité d’avoir une présence plus importante dans des pays où l’on n’était peut-être pas encore assez. C’est vraiment le but des publications, d’élargir, d’assurer et de renforcer la présence internationale du CCA », explique Albert Ferré, directeur des publications depuis 2012.
Nouvelle manière de faire
Le premier livre en portugais du CCA, coproduit avec Dafne, éditeur de Porto, est emblématique de la nouvelle manière de faire. Contrairement à la monographie Ábalos Herreros, qui découle aussi d’un travail dans les archives de l’établissement fondé par Phyllis Lambert, Anatomia do Livro de Arquitectura n’a pas été précédé d’expositions. Sa pertinence s’est présentée au cours de la recherche de Tavares menée sur… le livre d’architecture.
« Jusqu’en 2013, on publiait des livres pour chacune des grandes expositions. On cherche maintenant d’autres occasions, d’autres sujets qui mériteraient un livre. Comme celui d’André Tavares. L’idée du livre est de présenter une recherche, non pas d’accompagner une exposition », signale Albert Ferré.
Parmi les autres projets les plus avancés, il y a le premier bouquin en italien, piloté par la conservatrice en chef du CCA, Giovana Borasi. Doublement inusité, Une espèce en danger, dont le titre en italien n’est pas arrêté, sera le premier livre jeunesse de la maison.
Les textes et illustrations de Harriett Russell, une Britannique publiée aussi bien à New York qu’à Londres, se trouvaient déjà dans le catalogue de l’expo Désolé, plus d’essence (2008). Recyclés, ils deviendront un livre grand format qui sera aussi publié dans les deux langues officielles du Canada.
Dans un CCA aux airs de Nations unies — le directeur Mirko Zardini, comme Giovana Borasi, est Italien, Albert Ferrer, Espagnol, Catalan pour être plus précis — le rêve est de publier dans une multitude de langues.
« Mais aussi avec une multitude de partenaires », précise le pragmatique directeur des publications. Chaque livre crée de nouvelles associations, que ce soient avec des éditeurs établis ou des établissements d’architecture. Albert Ferré cite une étude approfondie sur Cedric Price, l’architecte britannique mort en 2003, qui sera publiée en anglais seulement avec l’appui de The Architectural Association, une organisation londonienne. « Si cette école avait été basée, je ne sais pas, au Maroc, on aurait pu faire le livre en arabe », dit-il.
Et le français dans tout ça ? Il demeurera présent, assure-t-il. Malgré les apparences, malgré le catalogue de l’expo L’architecte, autrement(2015), offert seulement en anglais, malgré le « Canadian Center of Architecture » imprimé sur les couvertures des livres portugais et espagnol. Le site Web, principale vitrine du CCA, se lira encore dans la langue de Vigneault et il est faux de croire que des auteurs francophones n’existent pas. Puis, il y a le cas, selon Albert Ferré, de l’éditeur allemand Stenberg Press, qui tient à publier en français.