Combattre avec les vivres, Mourad Djebabla-Brun

La production agricole en temps de guerre est un champ d’études en friche. Mourad Djebabla-Brun propose une rare analyse de cet aspect essentiel des conflits en prenant le cas du Canada au cours de la Première Guerre mondiale. Solidement documenté, son essai Combattre avec les vivres nous ramène dans un Québec marqué par le culte de la terre. « Notre race est une race agricole, écrit un évêque cité par l’auteur. C’est donc vers l’agriculture que le peuple canadien-français doit se porter, s’il veut conserver son caractère distinctif. » Ce pilier identitaire n’existe pas dans l’autre solitude du Canada où l’agriculture est une activité économique comme les autres. La Grande Guerre constitue d’ailleurs une excellente occasion d’affaires. Pour maximiser les exportations, les autorités fédérales lancent une campagne contre le gaspillage de la nourriture avec l’appui des médias. « Le Devoir, pourtant critique à l’égard de l’effort de guerre en hommes, rejoignit les rangs de la presse canadienne », écrit l’historien. On retrouve ainsi dans nos pages une rubrique « Conseils aux ménagères » où est prêché « l’évangile de l’assiette blanche » vidée de son contenu. La surproduction de blé permettra aux provinces de l’Ouest de s’affirmer au sein d’un ensemble politique dominé jusque-là par l’Ontario et le Québec. Quant aux Canadiens français, ils poursuivront leur exode rural en dépit des discours prônant le retour à la terre d’un peuple de cultivateurs.

Combattre avec les vivres

Mourad Djebabla-Brun, Septentrion, Québec, 2015, 473 pages

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