Tracer les contours de la bande dessinée

Benoît Peeters pilote l’ambitieux exercice de consultation.
Photo: Pierre Duffour Agence France-Presse Benoît Peeters pilote l’ambitieux exercice de consultation.

Sonder pour ne pas reculer. Mardi, les États généraux de la bande dessinée ont lancé une vaste enquête en ligne à l’attention des auteurs du 9e art, partout dans la francophonie, et ce, afin de tracer les contours d’une profession en profonde mutation. Le but ? « Comprendre où l’on en est pour mieux décider où l’on s’en va », a résumé en entrevue au Devoir l’auteur Benoît Peeters qui pilote cet ambitieux exercice de consultation.

« Même si le projet émane de la France, il vise l’ensemble de la francophonie, y compris les auteurs de bande dessinée du Québec, a indiqué le créateur, éditeur et tintinologue réputé qui préside ces états généraux. Le marché de la bande dessinée francophone est en train de se densifier, de s’unifier avec des ponts importants entre les différents pays, ajoute-t-il en évoquant le succès de Paul, personnage de Michel Rabagliati, des Nombrils de Delaf et Dubuc ou encore des bédés de Jimmy Beaulieu édité en France. Et forcément, si la création, l’édition se partagent de plus en plus, les problèmes que nous rencontrons en font tout autant. »

 

Bulles en ébullition

Dans les 20 dernières années, l’univers de la bédé a vu ses bulles se mettre en ébullition sous l’effet, entre autres, d’une crise de surproduction d’albums qui malmène désormais les auteurs et les éditeurs versés dans la mise en case d’histoires. En 2014, plus de 5000 titres ont été injectés sur ce marché littéraire, au rythme effréné d’une centaine de nouveautés et rééditions chaque semaine, soit bien plus qu’un bédévore peut absorber.

« Cela induit une baisse de la visibilité pour plusieurs titres [qui peinent à trouver le temps de s’exposer dans des librairies à l’espace forcément restreint], avec à la clef une diminution des ventes et des revenus pour les bédéistes qui voient leur condition de travail diminuer dans ce contexte », dit M. Peeters. La tendance a croisé, en France, une réforme brutale de la fiscalité et des retraites qui n’incite pas les auteurs à mettre des fleurs dans leurs phylactères lorsque vient le temps de commenter leur présent.

« Nous ne sommes pas devant une crise ponctuelle, dit M. Peeters, mais bien face à une transformation du monde de la création, de l’édition [près de 40 % du marché l’an dernier était concentré dans les mains de trois grands groupes d’éditeurs] et de la mise en marché qui nous invite aujourd’hui à nous concerter pour mieux appréhender la suite des choses. Ces états généraux ne sont pas neutres, il faut l’admettre. Ils ne veulent pas déboucher que sur des constats, mais également sur des améliorations. »

 

Grand intérêt

L’engouement des dessinateurs, scénaristes ou coloristes du monde de la bande dessinée pour ces états généraux a été confirmé dans les heures suivant la mise en ligne du questionnaire mardi matin.

« Cette première grande enquête a attiré plus de 100 répondants dans les premières heures, et ce, pour un bassin de 1500 à 1800 personnes qui sont visées par cette démarche », dit M. Peeters.

Les artisans du 9e art ont jusqu’au 15 novembre pour le remplir. « Nous allons joindre plus de 1000 répondants, c’est sûr. » Les résultats de cette enquête vont être dévoilés en janvier prochain, à l’occasion du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, en France.

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