Deux amantes au Caméléon, Francine Prose

Dire au revoir à une ville est plus difficile que de rompre avec une maîtresse. Cette ville, c’est le Paris des années 1930. Dans ses méandres, nous croisons le chemin d’un certain Brassaï, célèbre (et réel) photographe hongrois, fraîchement arrivé là. Deux amantes au Caméléon débute ainsi par des lettres où il explique son projet de photographier le Tout-Paris. Un soir de 1932, il immortalisera le fameux Couple de lesbiennes au Monocle (qu’on voit sur la couverture) ; deux femmes, dont Violette Morris qui, du sport olympique en passant par la danse, finira collaboratrice au sein de la Gestapo lors de la Seconde Guerre mondiale, puis fusillée par la résistance en 1944. La force de l’auteure Francine Prose réside dans la construction de la narration, car Violette ne s’exprime pas, jamais : ses amis le font à sa place. Construit à même une pléthore de témoignages, mêlant les personnages historiques et inventés, ce livre est une lecture nécessaire pour comprendre les prémices de la guerre qui se prépare alors. L’angle adopté, celui des folles nuits parisiennes narrées par la faune homosexuelle, est une réelle force dans ce récit captivant. Puissant et déconcertant.

Deux amantes au Caméléon

Francine Prose, traduction de l’anglais de Dominique Letellier, Gallimard Paris, 2015, 480 pages

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