Dany Laferrière reçoit son épée

«Si je suis né en Haïti, je suis né écrivain au Québec. » C’est avec ces mots bien sentis que Dany Laferrière a reçu ce mardi des mains de l’écrivain Jean d’Ormesson son épée d’académicien. L’écrivain québécois d’origine haïtienne qui sera intronisé jeudi à l’Académie française a voulu marquer cette cérémonie traditionnelle de remise de l’épée du sceau de sa double appartenance à Haïti et au Québec.

Si son épée a été fondue dans la Perle des Antilles par le sculpteur Patrick Vilaire, son costume vert a été confectionné par le couturier québécois Jean-Claude Poitras. La brodeuse québécoise Jeanne Bellavance y a d’ailleurs consacré pas moins de 500 heures de travail.

Pour l’occasion, entre les quatre Grâces du salon des Arcades de l’hôtel de ville de Paris, s’était rassemblée une partie de l’élite littéraire française, mais aussi de la classe politique québécoise. Hélène Carrère d’Encausse côtoyait Pauline Marois, Marc Fumaroli croisait Bernard Landry, Amin Malouf échangeait quelques mots avec Hélène David. La comédienne Charlotte Rampling, qui a joué dans Vers le sud, adapté d’un livre de Dany Laferrière, n’était pas très loin de Françoise David. Deux sièges avaient même été réservés pour Pierre Karl Péladeau et sa conjointe qui ne se sont pas présentés.

L’académicien Jean d’Ormesson a rendu un hommage sincère à Dany Laferrière en soulignant qu’un Québécois d’origine haïtienne remplacera bientôt sous la coupole un écrivain argentin d’origine italienne, le regretté Hector Bianciotti, auteur de Ce que la nuit raconte au jour (Grasset). « C’est une espèce de rêve de la Francophonie. […] On ne pouvait pas laisser passer quelqu’un comme toi », a lancé d’Ormesson, qui dit avoir succombé au charme de l’écrivain dès la première lettre que lui adressa Dany Laferrière. Jamais à court d’une anecdote, d’Ormesson estime que l’Académie française doit représenter « toutes les nuances de la littérature ». Son grand regret, dit-il, est que le poète communiste Louis Aragon n’y ait jamais été admis.

Une langue simple

 

En cravate bigarée, Dany Laferrière s’est livré à un émouvant portrait de sa mère qui lisait tous les mois le magazine français Historia où elle appréciait particulièrement, dit-il, les articles si bien écrits des membres de l’Académie française. Dans ces mots qui pourraient s’appliquer au Québec, Laferrière s’est livré à un vibrant plaidoyer pour une langue simple et limpide qui dépasse les continents. Il a expliqué combien sa mère l’avait « tellement bassiné avec cette affaire d’écrire avec simplicité », alors que nombre de Haïtiens écrivaient souvent dans une langue incompréhensible, qu’elle a « semé en moi ce rêve d’un style fluide ».

Le futur Immortel a évoqué son enfance à Petit-Goâve, sa jeunesse à Port-au-Prince et sa naissance à la littérature à Montréal, où il s’enfermait dans sa chambre pour lire les classiques, de Plaute à Victor-Lévy Beaulieu. « J’ai l’impression que je suis un imposteur dès que j’essaie de raconter autre chose. »

L’Académie des lettres du Québec a tenu à manifester sa fierté de voir l’un de ses membres accéder « à cette autre institution ancrée si profondément dans l’histoire culturelle et dans la défense de la langue française ». Elle sera d’ailleurs représentée officiellement sous la coupole par deux de ses membres, sa vice-présidente, Danielle Fournier, accompagnée de Naïm Kattan. Jeudi, le premier ministre Philippe Couillard assistera aussi à la cérémonie.

À voir en vidéo