Une géographie populaire de la Caraïbe, Romain Cruse

Il n’y a pas de cocotiers ou de plages au sable fin sur la couverture de cette Géographie populaire de la Caraïbe de Romain Cruse. On y voit plutôt un homme sur le bord de la route sous un ciel gris, avec une valise pouvant symboliser les migrations ayant marqué la région. L’influence de l’historien de la gauche américaine Howard Zinn est palpable dans cet essai qui donne la parole aux classes populaires demeurées dans l’ombre des hôtels de luxe. Selon l’auteur, les masses de touristes forment, « d’un point de vue caribéen, une classe blanche à part ». Les agences de voyages leur ont d’ailleurs vendu «un territoire vide d’habitants, caractérisé par une nature paradisiaque et exubérante dont les couleurs sont caricaturalement forcées avec des outils de retouche photographique ». L’envers du décor est beaucoup plus sombre : la région de près de 40 millions d’habitants affiche l’un des plus forts taux d’émigration au monde. «S’ils n’ont plus les chaînes aux pieds, les Caribéens n’émigrent pas par plaisir, écrit le géographe. Ils y sont forcés par les conditions économiques et les inégalités démesurées, par la violence endémique et la criminalité générale liée au trafic de drogues ». Reléguée aux marges de l’économie mondiale, la Caraïbe possède toutefois une richesse culturelle indéniable que l’auteur nous permet de découvrir en nous amenant de la côte vers l’intérieur des terres.