Jean-Jacques Pelletier: la preuve par l’absurde

Tous les amateurs de polars connaissent Jean-Jacques Pelletier. L’ancien prof de philo mordu d’économie, de finance et d’information a déjà derrière lui une bonne dizaine de milliers de pages… et voilà qu’il en rajoute presque 600 pour arriver au même constat : le monde est malade. Très malade.

On est à Paris cette fois-ci. L’inspecteur Théberge y prend des vacances de longue durée avec sa femme qui se remet difficilement des séquelles de l’attentat dont elle a été victime à la fin de la précédente enquête de son mari. Et tout va tellement mal que même le printemps n’arrive pas à prendre sa place.

Dans un premier temps, on entre lentement dans la vie de la Ville lumière en dégustant des vins fins, en passant d’un café célèbre à l’autre, en suivant l’actualité des Manif pour tous et en prenant conscience, comme tous les Parisiens, d’une campagne plutôt énigmatique — probablement publicitaire — apparue partout sur les bus, les colonnes Morris et les panneaux d’affichage : « 10PHB » suivi d’un décompte. Personne n’y comprend rien et les réseaux sociaux s’enflamment. Évidemment, ce sera encore pire que tout ce que l’on peut s’imaginer, et ce n’est certainement pas ici que vous en apprendrez plus. La conscience du désastre vient lentement, une découverte de cadavre à la fois en suivant les arrondissements de la capitale française : un dans le 1er, deux dans le 2e, trois dans le 3e et ainsi de suite.

Une méthode

 

C’est là-dessus que tout s’accélère et que Théberge entre dans l’enquête à la demande de son ami Gonzague, un haut gradé de la Direction générale de la sécurité intérieure. Prost, l’écrivain qui est un peu le double littéraire de Jean-Jacques Pelletier, est là aussi, à préparer un livre en investissant tous les jours la grande bibliothèque François-Mitterrand. Tout ce beau monde est aiguillonné par la rumeur populaire qui s’est emparée de l’affaire sur Twitter et Facebook. Et bien sûr on passera par toutes les angoisses avant que tout ne se résolve… un peu en queue de poisson pour que la démonstration puisse continuer dans le prochain livre.

C’est évidemment une enquête captivante à laquelle on se laissera prendre après s’être dit, quand même, que ce roman de Pelletier ressemble à tous ceux qui l’ont précédé, ou presque. Les personnages ne sont pas tout à fait les mêmes, l’Institut n’est plus là, mais c’est encore et toujours le Bien qui lutte contre le Mal. Par contre, la technique d’écriture et le découpage du roman sont identiques à celui des grandes fresques auxquelles nous a habitués le romancier et qui font la preuve, par l’horreur ou par l’absurde, du sort peu enviable réservé à l’humanité. Comme si, au fond, Jean-Jacques Pelletier écrivait toujours le même livre faisant toujours la même démonstration : le monde est condamné et les preuves de la bêtise humaine sont visibles à tous les niveaux.

Il serait quand même peut-être intéressant d’aborder tout cela d’une façon un peu différente…

Dix petits hommes blancs

Jean-Jacques Pelletier, Hurtubise, Montréal, 2014, 579 pages

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