Jouer sur tous les tableaux

On trouve deux cadavres dans une galerie d’art et le sergent détective Francis Pagliaro de la Sûreté du Québec est chargé de l’enquête, puisque l’une des victimes est un policier du SPVM.
Mais l’histoire débute d’abord dans un passé récent planté au milieu d’un petit village rural où l’on voit un jeune garçon qui dessine de façon saisissante.
Sa spécialité : les petits gibiers au moment de l’agonie. On découvrira peu à peu que ce personnage étonnant est en lien direct avec l’assassinat du patron de la galerie Arts visuels Actuels, Gaston « Faby » Lessard, et du lieutenant Frédéric Fortier, tué à ses côtés.
Pendant ce temps, l’enquête de Pagliaro l’amènera à cerner assez rapidement le personnage magouilleur de Faby Lessard « protégé » à la fois par le milieu interlope et probablement par la police. Impliqué jusqu’au cou dans des manoeuvres frauduleuses, Lessard a visiblement provoqué sa propre perte en jouant sur tous les tableaux. Mais qui, parmi tous les candidats possibles, est passé aux actes ? se demande l’enquêteur en réfléchissant devant les oeuvres envoûtantes d’Andrew Garrison exposées à la galerie où il a pris l’habitude de venir faire le point.
Tout au long du récit, les plongées parallèles dans le passé se précisent en rejoignant le présent ; elles dévoilent un personnage attachant mais troublé qui colle de plus en plus à la réalité de l’enquête. Encore plus quand on apprendra avec Pagliaro que la technique utilisée par Andrew Garrison — et qui permet de modifier certains éléments déjà peints sur la toile — porte le nom de « repentir »…
Art et polar
Cette histoire à rebondissements multiples permet à Richard Ste-Marie de retrouver son « ancien monde » ; il a été prof d’arts visuels pendant une trentaine d’années et il a exposé ses propres oeuvres à plusieurs reprises, en plus d’agir souvent comme expert auprès de la Cour — on peut d’ailleurs se faire une idée sur cette « autre vie » en visitant son site Internet.
Ici, ses connaissances pratiques enrichissent le récit de façon considérable lorsque Pagliaro remonte patiemment la filière et trouve dans le dossier de Lessard des plaintes concernant des estampes « douteuses », ou encore lorsqu’il tombe presque par hasard sur un atelier de fabrication de faux. Il est possible que certains voient là une tendance didactique, mais un auteur « sonne » encore plus juste lorsqu’il parle de ce qu’il connaît bien.
L’enquête est fort bien menée, sur plusieurs plans à la fois, et les personnages sont bien campés, sans exception. Probablement parce que Ste-Marie se retrouve dans ses meubles, son écriture semble ici beaucoup plus achevée, moins convenue, plus mûre, plus assumée que dans ses deux premiers romans.
C’est tout cela qui fait de Repentir(s) son livre le plus réussi jusqu’ici.