Quand Montréal s’écrit en anglais
En trouvant un accent à la création littéraire, Linda Leith a le talent de susciter des questions aussi complexes que fascinantes. Dans son essai Écrire au temps du nationalisme, elle confesse : « Je suis née en Irlande du Nord, et j’ai vécu dans d’autres lieux et dans d’autres langues, de sorte que je parle avec un accent, même en anglais. » À Montréal, la littérature de langue anglaise qu’elle pratique est une cause, mais surtout une sensibilité.
Arrivée ici avec sa famille en 1963, Linda Leith (née en 1949) vit le bouleversement qu’est pour la communauté anglophone l’accession du Parti québécois au pouvoir en 1976, l’adoption de la loi 101 l’année suivante, les référendums sur la souveraineté, en particulier celui de 1995. Elle est sous le choc de constater que, jadis capitale littéraire du Canada, Montréal a cédé ce privilège à Toronto qui regarde de haut les écrivains montréalais de langue anglaise, qui, selon elle, deviendront, ici même, « invisibles ».
Elle aborde ce qu’elle appelle « le nationalisme québécois » en se gardant d’évoquer un mouvement de libération nationale. Elle le met en parallèle avec « le nationalisme canadien-anglais », comme si les deux choses étaient de même nature. Malgré tout, l’essayiste a la finesse de suggérer la présence persistante, au nord des États-Unis, de deux provincialismes littéraires qui coexistent en s’ignorant mutuellement : le canadien-anglais et le québécois.
Malicieusement, presque sans applaudir, elle se plaît à citer le poète montréalais David Solway (né en 1941), qui fait honneur à Montréal et au Québec tout entier en rabaissant la reine littéraire de Toronto, Margaret Atwood. Pour lui, cette « déesse de la platitude » résume « tout ce qu’il y a de plus déprimant et paroissial et conventionnel dans la vie et les lettres au Canada ».
Frondeur et rafraîchissant, l’esprit de Solway devait animer le festival Metropolis bleu que Linda Leith a lancé en 1999 — et dont la 16e édition se déroulait la semaine dernière — et dirigé jusqu’en 2010 en associant, pour les rendre visibles, les écrivains montréalais de langue anglaise aux autres écrivains québécois. La littérature doit redevenir une folie. Au lieu d’avoir encore les yeux tournés vers Paris, Londres, New York ou Toronto, nos écrivains pourraient alors s’affranchir des provincialismes et découvrir que Montréal est le centre du monde.
Collaborateur
Je ne connais aucun écrivain anglophone de Montréal qui n’a pas, à un moment ou un autre, sincèrement souhaité appartenir à au moins l’une de nos deux littératures nationales.