Les critiques des collégiens - Délice historique

En marge du Prix littéraire des collégiens, qui a couronné en mai dernier Guano, premier roman de Louis Carmain (Hexagone), il y a le prix des critiques des collégiens. En quelque 350 mots, les jeunes critiques participants résument, argumentent et pèsent à l’écrit un des cinq livres finalistes de cette édition du Prix des collégiens. Nous publions cette semaine les meilleurs textes — un par livre —, sélectionnés par Bruno Lemieux, professeur au cégep de Sherbrooke, Louise Gérin-Duffy, professeure à la retraite du collège Jean-de-Brébeuf, et Catherine Lalonde, journaliste responsable du cahier Livres du Devoir. Aussi, les portraits de certains membres du jury, croqués lors de la délibération à Québec par notre photographe Renaud Philippe.

En 1864, une flotte navale dépêchée par l’Espagne s’embarque vers les colonies sud-américaines, dotée d’une obscure mission dite « scientifique ». La reconquête du Pérou, colonie récalcitrante, se révèle d’une plus grande importance que la science. Toutes les raisons sont valables pour déclencher une guerre : question d’honneur, et peut-être, un peu, d’argent… Une guerre obscure et oubliée, que l’auteur novice Louis Carmain réactualise dans son premier roman, Guano, à l’Hexagone.

 

Le récit défile à travers les yeux de Simòn, marin et secrétaire personnel de l’amiral espagnol dépositaire de la mission obscure, qui mènera à une conclusion aussi saugrenue que sanglante. Le jeune matelot suit passivement ces événements et en transcrit des rapports plus fascinants que nature, jusqu’à la rencontre d’une flamboyante rouquine. Il trouvera dans cette vieille fille érudite un écho amoureux évanescent, vécu à travers le rêve, l’absence et la guerre.

 

Alliant bagage historique et travail de la forme littéraire, Guano révèle une richesse le distinguant de l’habituel roman historique. Car si les événements importants sont avérés et les personnages marquants conservés, ils sont toutefois dénaturés à coup de figures de style volontairement pompeuses, afin d’exposer le ridicule qui habite tant la situation que les individus. Les hauts placés tombent bas, à l’aide de descriptions acides : « Il portait un uniforme sombre à rebords rouges, pour l’occasion, et de grands favoris, mais pas pour l’occasion. »

 

Alors que l’humour coloré rend la lecture agréable, la cohérence de l’oeuvre lui octroie un contenu riche. Le protagoniste accorde lui-même une attention particulière aux techniques de composition littéraire. Sa quête abstraite sera de découvrir la recette du récit réellement passionnant, d’où perceront deux ingrédients : la fiction, qui fournit l’extraordinaire et rend les récits plus « vivants », ainsi que la réalité, dans laquelle réside la vraie beauté. Car « l’invention a […] ses bâillements », mais « n’est-ce pas la vérité qui désennuie, au fond ? ». Une recette suivie rigoureusement par Carmain, avec sur fond de réel une note insaisissable d’imagination.

 

On en mangerait.

Valérie Mérette, cégep de Sherbrooke

Louis Carmain L’Hexagone Montréal, 2013, 200 pages

Guano

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