Les critiques des collégiens - Les cendres d’Auschwitz

En marge du Prix littéraire des collégiens, qui a couronné en mai dernier Guano, premier roman de Louis Carmain (Hexagone), il y a le prix des critiques des collégiens. En quelque 350 mots, les jeunes critiques participants résument, argumentent et pèsent à l’écrit un des cinq livres finalistes de cette édition du Prix des collégiens. Nous publions cette semaine les meilleurs textes — un par livre —, sélectionnés par Bruno Lemieux, professeur au cégep de Sherbrooke, Louise Gérin-Duffy, professeure à la retraite du collège Jean-de-Brébeuf, et Catherine Lalonde, journaliste responsable du cahier Livres du Devoir. Aussi, les portraits de certains membres du jury, croqués lors de la délibération à Québec par notre photographe Renaud Philippe.

Quelle histoire douloureuse se cache derrière ce mystérieux carnet, devenu au musée l’artefact no 453, tout droit sorti des fournaises d’Auschwitz ? Voilà le secret que tente de dévoiler le journaliste François Bélanger dans le roman Artéfact. L’objet en question ? Un coeur, un carnet en forme de coeur auquel l’auteur, Carl Leblanc, a consacré aussi un documentaire. Cet impensable artefact consiste en un ensemble de voeux d’anniversaires qu’une douzaine de femmes ont écrit à une amie dans ce lieu de mort. Un véritable testament de solidarité dans un endroit où le simple fait d’écrire peut conduire aux fours crématoires.

 

Le récit de ce coeur entrecoupe celui de Krylenko, un ancien nazi accusé de crimes de guerre. Cette seconde enquête permettra au lecteur de voir un autre visage de l’humanité. L’histoire de l’ex-soldat fasciste mènera François non seulement à celle du carnet, mais aussi à une réflexion profonde sur l’essence de l’être humain. Car oui, « les nazis n’étaient pas ces chats qui chassent les souris, mais bel et bien des hommes ».

 

Carl Leblanc construit ici une histoire réaliste et sans mélodrame : Artéfact est plus qu’un grand récit d’amitié ou de courage, c’est celui de la folie de quelques jeunes filles prises dans une situation inimaginable, qui se rappellent subitement l’allégresse d’avoir vingt ans. Leblanc trace aussi le portrait émouvant de ces mêmes femmes après l’Holocauste, des femmes profondément marquées par leur passé. Certaines choisissent le déni ; d’autres entretiennent leur souvenir dans les musées ; l’une mettra fin à ses jours.

 

Les sauts constants dans le temps donnent du rythme et tiennent le lecteur en haleine. Entre les bribes de vie des artisanes du carnet et l’enquête du reporter se déploie l’histoire tragique, mais pleine d’espoir, d’une poignée de femmes ordinaires.

 

Artéfact, c’est la vie dans la mort et la mort dans l’oubli, c’est la bonté et la cruauté du genre humain, c’est l’ancien et le récent, c’est l’homme contre l’homme. C’est la critique, mais aussi l’apologie de l’humanité.

Jean-Philippe Chassé, cégep de Trois-Rivières

Carl Leblanc XYZ Montréal, 2012, 160 pages

Artéfact

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