La fine fleur du roman français

Jean-Philippe Toussaint laisse une traînée magique avec Nue.
Photo: Agence France-Presse (photo) Miguel Medina Jean-Philippe Toussaint laisse une traînée magique avec Nue.

Année faste ponctuée de prix pour certains condamnés à l’éphémère, 2013 aura aussi vu paraître de grands romans français dont voici ici la fine fleur rassemblée.

 

Des Lumières

  L’échange des princesses(Seuil) de Chantal Thomas. L’histoire d’enfants royaux, de libertins et d’hérétiques semble loin de nous. Est-ce parce qu’elle est méconnue ? Pourtant, notre histoire au quotidien n’est allégée que grâce aux droits de l’homme. Ce qu’on pense acquis l’est-il pour toujours ? Attaquant cette opinion trompeuse, l’auteure réveille avec grâce notre vigilance et notre mémoire. Son roman est documenté, brillant, allègre, primesautier et magnifiquement fantasque.
 



La fin d’un cycle amoureux

 

Nue (Minuit) de Jean-Philippe Toussaint, grand oublié des prix littéraires, laisse pourtant une traînée magique après qu’on l’a refermé — une qualité qui manque à l’éphémère Goncourt 2013. Pour sa robe de miel, ses cocktails où triomphe Marie, les chambres désertées de l’île d’Elbe et l’amour grandissant dans le doute, une série d’images sensibles et inattendues campe la beauté des choses conçues sans hâte et en poésie. D’une sérénité rare.



Se faire prendre et s’y reprendre

 

Lire deux fois Il faut beaucoup aimer les hommes(P.O.L.) de Marie Darrieussecq s’avère une expérience profitable, comme tous ces livres surdéterminés par la littérature. Cette plume équivoque, audacieuse et savante aligne les clichés en maniant les intensités : le prix Médicis a consacré ses jeux d’observation et d’écoute. La passion transcontinentale, très sensuelle, qu’elle a racontée trace des cheminements inattendus entre Afrique et Occident. Le métissage des coeurs n’est pas sans écueils.

  


Les angles du triangle

 

Amour et vérité (Grasset) de Claire Legendre, ou quand l’amour qui fait mal résonne dans un tableau national. Ce roman d’esprit pragois, au lyrisme redevable à Bohumil Hrabal, bâtit son intrigue sur la collusion de l’intime et du social. Là où dire est un arrachement, l’impossible à vivre trouve une juste consolation dans une tendre ironie. Malgré ses amours ratées et ses larmes, le personnage féminin tient la barre. Quant à l’auteure, maintenant « expat » à Montréal, elle y apporte un regard décalé au quotidien.
 

  

Naissances

 

Pascal Quignard est le grand écrivain du « jadis ». Aux sources de la vie, avant la parole, L’origine de la danse (Galilée) donne des mots à un enfant qui refuse de parler, car lui-même a été cet être démuni. La culture classique, nourrie de pensée morale, athée, épicurienne et sensible, inscrit l’oeuvre dans la grande tradition de l’essai. La réflexion de Quignard s’enrichit au gré des anecdotes, aux traits jaillis des livres anciens, aux menus faits autobiographiques qui jalonnent une très grande oeuvre.
 

 

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