Littérature québécoise - La grande séduction

À travers treize nouvelles qui se partagent le décor et les protagonistes, les Histoires nordiques de Lucie Lachapelle nous permettent de suivre l’évolution intérieure de cette jeune femme « venue dans le Nord pour connaître les Inuits ».


C’est une histoire de séduction. On y suit le destin de Louise, une Québécoise de 19 ans qui découvre le Nord au milieu des années soixante-dix à l’occasion d’un stage d’enseignement et qui tombera amoureuse de son peuple et de ses paysages.


Après le choc de la rencontre (Brume et marée), la jeune femme reviendra s’y installer pour enseigner au primaire. Louise pose un regard généreux et plein de douceur sur les paysages et les êtres qui l’habitent, qui ont survécu à des milliers d’années de combat contre les éléments et qui en gardent malgré eux la mémoire dans la peau.


Si le portrait est amoureux, il demeure lucide. Car il y a aussi du laid dans cet univers et Lucie Lachapelle n’hésite pas non plus à le montrer (Nuit de fer). Violence conjugale, alcoolisme, toxicomanie, détérioration du climat social au fil des ans. Malgré cela, elle sent que le retour en arrière devient de moins en moins possible : « De jour en jour, il lui semble que son passé est irréel, qu’elle a toujours vécu ici. Mais la distance augmente entre elle et eux ; le fossé se creuse. Lorsqu’elle descend dans le Sud, elle en mesure l’ampleur. » Il lui faudra néanmoins redescendre dans le Sud, la mort dans l’âme.


Et, bien des années plus tard, remplie de regrets de ne pas avoir fait sa vie là-haut, Louise y retournera. Ces enfants, « elle les a aimés comme s’ils avaient été les siens. Ils étaient exceptionnels. Par leur créativité, leur beauté, leur lucidité dans l’enfance, leur énergie, leur sens de l’humour. C’est ainsi qu’elle se souvient d’eux. » Ils ont été, pense-t-elle, ses maîtres tout autant qu’elle a été leur professeure. Difficile de ne pas penser à Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy.


Lucie Lachapelle avait déjà abordé la question amérindienne. C’était dans Rivière Mékiskan (XYZ, 2010), son premier roman. L’auteure et documentariste, née à Montréal en 1955, a puisé une partie de la matière de ses Histoires nordiques dans plusieurs séjours qu’elle a faits au Nunavik (où elle a notamment enseigné en 1975).


Comme c’était le cas pour son Rivière Mékiskan, le style est un peu sec - la qualité de l’écriture n’est pas le premier intérêt de ce livre. Et tout compte fait, l’ensemble a davantage l’apparence d’un roman.


Mais Lucie Lachapelle y multiplie avec brio les angles de prise de vue, nous propose une vision pleine de compassion et de vérité sur une dizaine de destins nordiques. Un regard unique sur un monde injustement méconnu.


 

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