L’Allemagne sous les bombes

Le bombardement systématique de l’Allemagne par les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale constitue un fait unique dans l’histoire. En mai 1945, près « de deux millions de tonnes de bombes [sont] tombés sur l’Allemagne ; plus de 60 villes ont été détruites […]. Ces opérations ont tué presque 593 000 personnes en Allemagne, et 80 000 aviateurs », affirme Randall Hansen, professeur de science politique à l’Université de Toronto, dans ce saisissant essai initialement paru en anglais en 2008. Tout cela pour contraindre Hitler à la capitulation.


Dès la dernière bombe larguée, une controverse éclata, et fait encore rage, quant au bien-fondé stratégique et moral de cette campagne délibérée d’anéantissement à laquelle participèrent des milliers d’aviateurs canadiens. Où trace-t-on la frontière entre guerre et massacre ? Si cette question n’est pas nouvelle - l’historien allemand Jörg Friedrich l’a abordée dans son livre L’incendie (éditions de Fallois, 2004) -, il est nouveau d’y répondre par un compte rendu exhaustif des campagnes américaine et britannique de bombardements sur l’Europe. Pour reconstituer les offensives aériennes telles que vécues par ceux qui les ont conçues, exécutées ou subies, Hansen a puisé dans de multiples sources, dont des entrevues avec des témoins de l’époque qu’il utilise avec l’esprit critique nécessaire.


Hansen apporte une contribution rigoureuse et nuancée au débat. Il trouve difficile de tracer une démarcation nette entre les bombardements américains et britanniques, bien qu’une « certaine délimitation reste néanmoins possible ». Il conclut en insistant sur le fait que « l’impérieuse nécessité de défaire l’Allemagne ne saurait justifier en bloc des offensives qui ont tourné au massacre. Qu’ils puissent ou non être considérés comme des crimes de guerre, les bombardements sur zone ont échoué du point de vue moral autant que stratégique, et cette conclusion ne peut pas être tenue dans l’ombre sous le prétexte qu’elle risquerait d’apporter de l’eau au moulin de l’extrême droite ou de faire insulte aux équipages de la Royal Air Force et de l’Aviation royale du Canada ».


 

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