Comptabilité - Le Ménard fait autorité
Ce texte fait partie du cahier spécial Édition - Journée québécoise des dictionnaires
La confection et l’utilisation de dictionnaires ont fondamentalement changé avec l’arrivée des nouveaux modes de communication que permet Internet. Non seulement on n’utilise plus les dictionnaires de la même façon, mais la façon même de les confectionner a radicalement changé. Voilà ce que constate Louis Ménard, professeur retraité du Département des sciences comptables de l’UQAM et auteur principal du Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière, surnommé « Le Ménard ».
Le Ménard fait autorité sur la scène internationale. Pourtant, souligne son auteur, « les gens aiment le papier. On nous le dit souvent : “ N’abandonnez pas le papier ! ”, même si, aujourd’hui, le numérique est à la mode. » Pour cette raison, le nouveau Ménard se décline en trois versions : papier, cédérom et Internet. Et le travail de M. Ménard s’apparente à celui d’un détective, un détective des mots sans cesse à l’affût de pistes. « Je m’y intéresse toujours, lance-t-il. Même lorsque je lis le journal, je prends des notes sur un bout de papier… J’accumule tout ! »
Un fan de Google
Louis Ménard a très bien suivi l’évolution du monde des dictionnaires, puisqu’il oeuvre à la confection de son ouvrage, qui en est à sa troisième édition, depuis 25 ans. « C’est vraiment à partir de 2004 qu’on a commencé à se rendre compte de la richesse qui est à notre disposition grâce à Internet, dit-il. C’est à partir de là qu’on a commencé à “ googler” et je reste toujours un fan de Google ! » Le chercheur se sert en effet de ce moteur de recherche pour repérer tous les usages qu’on fait des mots.
« L’objectif de notre dictionnaire, comme de bien d’autres, explique-t-il, c’est de répertorier l’ensemble des usages des termes employés dans notre profession. Il peut y avoir dix ou douze expressions différentes et Internet nous sert à repérer tous les usages, de même que les différentes formes d’expression, les variantes orthographiques, etc. On peut aussi faire l’analyse de plusieurs sens d’un même mot ou expression. On fait ce qu’on appelle des analyses sémantiques fines : trouver si un mot ou une expression a plusieurs sens. On peut donc répertorier tous les usages et, dans notre dictionnaire, faire le choix du vocabulaire qu’on privilégie. »
Dans Internet, on retrouve bien entendu tous les textes de loi, les règlements et les avis publiés autant en Amérique qu’en Europe, en français comme en anglais, relate le chercheur. Et, puisque Le Ménard se fait en collaboration entre spécialistes québécois, français et belges, le courriel et d’autres modes de communication électronique sont essentiels.
Mondialisation oblige !
Louis Ménard souligne que, dans les faits, la première édition de l’ouvrage remonte à 1977 et est l’oeuvre de Fernand Sylvain, professeur de l’Université Laval. « Ce professeur a publié deux éditions, la dernière en 1984, puis il est décédé quelque temps plus tard, dit-il. C’est par la suite que l’Institut canadien des comptables agréés m’a recruté. J’étais alors membre d’un comité de terminologie de l’Ordre des CA du Québec. » En comptabilité et en finances, la terminologie est vitale puisqu’elle est à la base de l’information financière, souligne-t-il. « De tout temps, j’ai considéré que le choix des termes est primordial. »
Son ouvrage est bien entendu un dictionnaire de spécialité. « Ce que nous voulons, c’est étendre la connaissance du vocabulaire technique en usage dans la profession comptable, indique M. Ménard. Et, mondialisation oblige, nous visons également la convergence terminologique, c’est-à-dire faciliter la circulation de l’information dans l’ensemble des pays francophones. »
À cette fin, le dictionnaire tient compte de la terminologie des Normes internationales d’information financière (IFRS) et d’audit (ISA et NCA). Sa confection est chapeautée par quatre organisations de trois pays, soit l’Institut canadien des comptables agréés, le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes de France, ainsi que l’Institut des réviseurs d’entreprises de Belgique.
« Je travaille en comité, poursuit M. Ménard. Nous sommes quatre au Canada, quatre en Belgique et trois en France, et nous travaillons beaucoup par courriel. Souvent, je propose à mon équipe des entrées, elle les approuve ou non. Ensuite, je les soumets à mes collègues européens et c’est à leur tour de nous faire part de leurs commentaires. Et, enfin, nous décidons ensemble de la version finale. »
Exception culturelle
Par ailleurs, il faut que les versions de papier et électronique de l’ouvrage soient autant performantes les unes que les autres, « toutes aussi utiles », dit-il, ce qui pose dans chaque cas des défis techniques spécifiques. « Le numérique a ses avantages, le papier aussi, constate Louis Ménard, et on essaie de minimiser les inconvénients de part et d’autre. Ainsi, lorsqu’on a pensé à la version électronique, il a fallu faire le bon choix de la plate-forme et, entre autres, avoir une base de données qui permette de faire une recherche plein texte… »
Louis Ménard a ainsi réussi le tour de force d’imposer son dictionnaire à la communauté francophone… y compris la France ! D’ailleurs, il raconte, amusé, qu’en 2004, à l’occasion du lancement de la deuxième édition du Ménard à Lyon, les exemplaires imprimés avaient été bloqués aux douanes françaises. « Nous avions fait livrer un certain nombre d’exemplaires en provenance du Canada, raconte-t-il, mais ceux-ci ont été retenus parce que les douaniers français ne comprenaient pas qu’un dictionnaire puisse venir du Canada ! D’habitude, c’est dans l’autre sens ! »
Collaborateur
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