Vitrine du livre - 24 mars 2012

Essai - Du Suicide
Léon Tolstoï
Annoté et traduit du russe par Bernard Kreise
L'Herne
Paris, 2012, 80 pages

L'œuvre de Tolstoï est immense. Pas seulement à cause de ses grands romans, mais aussi par la multitude des sujets qu'abordent ses essais et sa correspondance. Tout y passe: l'art, la religion, l'éducation, la guerre, la royauté, etc. Hélas, une bonne partie de son œuvre demeure inédite en français. Dans ce court texte rédigé peu de temps avant sa mort, l'écrivain russe réagit à la correspondance de jeunes gens qui lui annoncent régulièrement qu'ils «ont décidé d'en finir avec la vie». Du suicide aborde plusieurs facettes de cette question de la mort volontaire, que l'on trouve par ailleurs dans plusieurs pages de son œuvre. Les réflexions que pose Tolstoï à l'égard du suicide ne sont pas sans intérêt.

Il accuse la structure sociale d'être la cause d'un grand désarroi individuel, dans une perspective toujours d'actualité. «Il est difficile aux hommes de notre monde non seulement de comprendre la cause de leur situation désastreuse, mais d'avoir conscience du caractère désastreux de cette situation, principale conséquence du désastre essentiel de notre temps qui s'appelle le progrès et qui se manifeste par une angoisse fébrile, une précipitation, une tension dans un travail ayant pour but ce qui est absolument inutile ou à l'évidence nuisible, par une ivresse permanente de soi-même dans des entreprises constamment renouvelées qui dévorent tout le temps dont on dispose et, surtout, par une fatuité sans bornes.»

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Biographie
Kadhafi, vie et mort d'un dictateur
Hélène Bravin
François Bourin éditeur
Paris, 2012, 265 pages

Il s'appelait Mouammar Kadhafi. Il régnait depuis 1969 comme un empereur sur la Libye, soutenu longtemps par ceux qui ont précipité sa chute. Il régnait en somme comme d'autres dictateurs continuent de le faire dans d'autres pays du globe. Le «guide» est mort à la faveur d'une révolution soutenue par l'OTAN, abattu comme un chien galeux, sans aucune forme de procès. Dans Kadhafi, vie et mort d'un dictateur, la journaliste Hélène Bravin retrace à grands traits, depuis ses origines très modestes jusqu'au sommet du pouvoir, le destin de cette figure particulière du Maghreb. Il s'agit d'un ouvrage de circonstance, écrit à la va-vite, sorte de long reportage construit sur la base d'un dépouillement de la presse, un travail que la journaliste a aussi l'habitude de conduire sous forme de «veille stratégique pour des multinationales». Pour qui voudra lire un portrait à vif d'un homme plein de contradictions, confronté constamment à son rapport étrange entre la modernité et la tradition tout comme à sa volonté d'égalité mais aussi de distinction, ce livre pourra offrir quelques nourritures.

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Poésie
Effets de neige
Maxime Catellier
Poètes de brousse, coll. «Essai libre»
Montréal, 2011, 99 pages

En Amérique, André Breton s'est passionné pour Haïti et pour l'art des Indiens haïdas autant que pour les soleils noirs du Mexique. Durant la guerre, en 1941, il arrive au Nouveau Monde sur le même cargo que Claude Lévis-Strauss. Le pape du surréalisme vit à New York, tout en refusant de parler anglais. Les suites d'une rupture amoureuse avec Jacqueline Lamba finissent par le conduire sur les rives du Saint-Laurent. On sait qu'il y écrit en Gaspésie Arcanes 17. Au pays des érables, Breton va inspirer les automatistes, à commencer par Claude Gauvreau. Aujourd'hui encore, ses disciples demeurent nombreux. Le poète Maxime Catellier est du nombre. Dans Effets de neige, Catellier assume son «attraction passionnée» à l'égard du surréalisme. Tout en citant d'abondance Breton, il interroge les rêves, la mort, le sentiment amoureux. Et il poursuit sa route sinueuse jusqu'aux situationnistes, explore comme eux l'idée de «dérive», quitte à s'arrêter, quand bon lui semble, dans l'oeuvre d'Annie Le Brun notamment. Il explore ainsi, avec une abondance de mots, sans pour autant se soucier de dire forcément quelque chose, différents territoires de ses songes, à «la rencontre d'un monde encore à faire», toujours avec une totale liberté, au nom de l'aventure.

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