Polars - Un trio infernal

Avec Henning Mankell, Ake Edwardson, Arne Dahl, Stieg Larsson et Jo Nesbø, Arnaldur Indridason fait maintenant partie de la crème de la crème des écrivains nordiques qui ont transformé complètement l'image du polar en y redéfinissant le «réalisme social». Depuis la publication de La cité des jarres, chez Métaillé en 2005 — son troisième livre paru à Reykjavik en 2000 —, les romans d'Indridason, et plus particulièrement les enquêtes de son commissaire Erlandur, ont été traduits en une douzaine de langues et vendus à des millions d'exemplaires dans plus de 25 pays.

Bouc émissaire

Sept romans de l'écrivain islandais ne sont toujours pas disponibles, et ce Betty (publié en islandais en 2003) arrivé dans les librairies à la veille des Fêtes est le huitième roman d'Indridason à être traduit en français. C'est aussi la deuxième histoire d'affilée dans laquelle le commissaire Erlandur est pratiquement absent. Dans le roman précédent, Rivière noire, c'est l'une des enquêteuses de l'équipe d'Erlendur qui se charge brillamment de l'affaire pendant son absence, mais ici, le commissaire n'est mentionné que dans une seule phrase, par la bande presque, durant un interrogatoire...

Tout le roman se passe dans la tête d'un narrateur dont on saisira qu'il est en détention préventive et que l'on mettra une bonne centaine de pages à identifier clairement. Lorsque tout à coup l'on apprend qui est ce personnage soupçonné du meurtre d'un industriel, on comprend toute l'ampleur du drame dans lequel il s'enfonce... et l'on saisit la dimension du talent d'Indridason, que l'on n'avait pas vu venir une seule seconde en ces eaux brouillées.

Betty raconte, par l'arrière pourrait-on dire, la mise en place d'un piège, d'une immense trappe en forme de crevasse ouverte sur une tempête de neige et au fond de laquelle on va retrouver un homme au crâne fracassé. Peu à peu, on découvrira toute une série d'histoires encastrées les unes dans les autres comme des poupées gigognes et orbitant, toutes discrètement, autour de l'énigmatique personnage de Betty.

On ne vous en racontera évidemment pas plus sur l'intrigue du roman, mais on ne peut s'empêcher de souligner à quel point l'écriture d'Arnaldur Indridason est ici remarquablement efficace et précise. Au point de vous-nous rouler dans la farine, ou la poudreuse peut-être, comme ce n'est pas permis. Une réussite par son atmosphère trouble, sa couleur sépia, sa finesse d'analyse et son intrigue vraiment insidieusement multiple.

LE polar à vous taper au coin du feu s'il vous reste des vacances de fin d'année...

Éclats de tous types

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a rien d'autre d'intéressant dans la fournée de fin d'année... bien au contraire! Rapidement, comme ça, on vous propose deux gros livres irrésistibles.

D'abord un classique: Le ciel se trouve sur terre d'Ake Edwardson. Cette enquête du commissaire Erik Winter nous fait faire un petit saut de quelques années dans le passé. À l'époque, Winter et Angela ne sont pas mariés et ils n'ont encore qu'une fille, Elsa. Or il se trouve que dans cette enquête, où l'on voit l'équipe de Winter se souder autour de lui, on traque un mystérieux agresseur d'enfants qui sévit près des garderies de Göteborg... dont celle que fréquente la petite Elsa. On le devine, le commissaire est dans tout ses états.

Encore une fois, le livre d'Edwardson se déroule au rythme de la vie de tous les jours sans véritables éclats et surtout sans esbroufe à l'américaine. Winter et son équipe avancent lentement, accumulant les rares indices et remontant toutes les pistes longtemps sans avoir le moindre succès jusqu'à ce que, tout à coup, les vannes s'ouvrent et que les fils se nouent pour dessiner une image qui se tient. Comme d'habitude, on ne trouvera là que de l'humain bien senti, parfois lourd, parfois simple, mais toujours vrai.

Mais il n'y a pas que des polars nordiques dans la vie! En voici un français, comme son titre l'indique, Non stop, qui se déroule dans l'Amérique d'aujourd'hui gouvernée par un premier président noir qui ne porte pas le nom de Barack Obama malgré un chapelet de ressemblances criantes. L'intrigue de Frédéric Mars est super serrée, on vous prévient.

Nous sommes en 2012 et l'Amérique, à la veille de passer aux urnes, est attaquée de toutes parts et surtout de l'intérieur par des milliers de personnes portant des stimulateurs cardiaques, des «peacemakers» comme on dit en France, qui sont bourrés de charges explosives de nitrite. Je ne révèle rien puisque vous pouvez déjà lire tout cela en quatrième de couverture. Par contre, il vous faudra être particulièrement vigilant pour suivre les agents des divers bureaux qui cherchent à désamorcer le complot et à en retracer les origines. Attention à vos nerfs: le gros livre de Frédéric Mars est construit comme un TGV qui déboule à pleine vitesse!

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Betty
Arnaldur Indridason
Traduit de l'islandais par Patrick Guelpa
Éditions Métaillé, coll. «Noir»
Paris, 2011, 206 pages

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Le ciel se trouve sur terre
Ake Edwardson
Traduit du suédois par Marie-Hélène Archambeaud
Éditions JC Lattès
Paris, 2011, 428 pages

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Non Stop
Frédéric Mars
Éditions Hachette, coll. «Black Moon»
Paris, 2011, 667 pages

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