Bédé - Des bulles pour magnifier les amours difficiles

Pour aborder la nouvelle saison, plusieurs pans du 9e art ont décidé de passer en mode introspectif. Le projet apparaît clair: autopsier les tenants et aboutissants des amours difficiles. Au chapitre de la torture sentimentale, la bédéiste montréalaise Eva Rollin a eu beaucoup d'inspiration, comme en témoigne son doublé de la rentrée. D'abord, la mère de Mademoiselle — cette série pour trentenaire célibataire urbaine et angoissée — signe la mise en images des Guerrières du slip (Bamboo), qui, sur un scénario d'Adeline Blondieau, expose les interrogations sexuées d'un groupe de citadines.

Ensuite, elle donne vie, avec la complicité de Jacinthe Leclerc, à Chloë arrive en ville (Glénat Québec), qui, sur 48 pages en couleur, plonge dans le quotidien d'une jeune femme larguée par son employeur, son copain, et livrée aux tentations d'une ville.

Les tentations, il ne devrait pas en manquer dans les Amitiés étroites (KSTR), titre très attendu de Bastien Vivès, qui l'an dernier a signé l'aquatiquement poétique Goût du chlore. Cette fois, ce n'est pas d'un amour timide et mouillé dont il est question, mais plutôt de la complexité des rapports propre à la génération des lycéens. Un couple, Francesca et Bruno, pilote la descente. Tout en couleur et en subtilité.

Les amours compliquées, le jeune auteur Philippe Girard, lui, connaît ça. Et il en fait les frais dans Tuer Vélasquez (Glénat Québec). Récit autobiographique sur fond de divorce qui s'en vient — celui de ses parents — il y revisite son passé et surtout un vieux livre de Jack Bowmore, qui, avec un curé an0ticonformiste, entre autres, va certainement sauver la vie d'un ado dans la tourmente forcé de s'adapter aux changements.

Des spectres et une monture hystérique

Autres lieux, autres amours... surréelles et fortement teintées par l'iconographie des années 1950: Veena et les spectres du temps (Rotor) débarque en octobre avec ses ectoplasmes, des voyages dans le temps et ses phénomènes inexpliqués. Cette oeuvre de science-fiction va transporter une jeune étudiante de l'Université McGill dans des univers parallèles, à la rencontre d'hommes spéciaux, et surtout dans quatre aventures imaginées par Éric Thériault.

Amour difficile? Le concept colle parfaitement pour décrire la relation qu'entretiennent Coco Météor et son cavalier indomptable, qui répandent leur douce folie et surtout construisent l'incohérence de leur univers sur les 62 pages de Miam miam fléau (La Pastèque), de Marsi. Cet objet délicieusement graphique et parfaitement éclaté vient de prendre son envol, sans savoir vraiment où il va atterrir.

Ce n'est pas le cas de Jeannot, qui, lui, sait très bien où il est et où il va: au coeur de L'Été 63 (Vents d'ouest) et surtout d'une histoire familiale qui bouleverse passablement les bases de son temple de l'affection. Pour le moins: son père, un médecin militaire, lui apprend l'existence d'une demi-soeur, Linh, qui se prépare à débarquer en France pour fuir son pays natal: le Vietnam. Et, on s'en doute, au temps des «yéyés», dessiné par le p'tit gars du Bic, Voro, tous les morceaux d'un ordre sentimental établi qui vient d'éclater, de Paris à l'Auvergne, ne vont pas être faciles à recoller.

Pas facile: l'inspecteur Wimms va certainement se dire cela devant Appoline (Casterman), de Morvan et Lavri, et surtout le récit de son passé sentimental décomposé. Par un enlèvement — le sien — et dix ans d'absence. Sombre.

Autres titres à surveiller: le troisième volet d'Il était une fois en France (Glénat), de Nury et Vallée, qui va poursuivre l'écriture de cette saga historique au coeur de l'amour et de la haine d'un héros, ou peut-être un salaud, de la Deuxième Guerre. Des sentiments partagés certainement par les protagonistes du prochain Loustal, Coronado (Casterman), qui, avec Lehane, revient hanter avec ses couleurs vives les bas-fonds de l'existence humaine. Le tout sur fond de pierres précieuses, de p'tites racailles et de trahison. Comme il se doit.

Cet incontournable gagne d'ailleurs à être accompagné du sensible Jimmy et le big foot (La Pastèque), de Pascal Girard, en guise de sas de décompression. Sous la couverture, une autre chronique de l'adolescence qui met en scène une vidéo lâchée sur Youtube et surtout l'amour des admirateurs, quand il est difficile à supporter. Mais on avait prévenu: y'en aura pas de facile cet automne.

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