Bédé - Le pouvoir de l'amour

François est gynécologue, père de famille monoparentale et un brin terne. Traîné par son ex dans une soirée de speed dating, ces séances de rencontres express pour célibataires, le médecin y fait la rencontre d'une jeune Roumaine au regard accrocheur qui, dans le peu de temps qui lui est imparti, va poser une question simple: «Jusqu'où iriez-vous par amour?»

Anodine, la question va, on s'en doute, être à l'origine d'un changement radical de vie pour ce spécialiste des appareils génitaux. Elle est aussi l'occasion pour le dessinateur Didier Tronchet de tisser une incroyable intrigue dans le monde des sentiments et de la détresse humaine. Avec précision, couleur et rythme d'enfer.

La Gueule de loup (Futuropolis), c'est donc l'histoire d'un homme qui, pour les yeux d'une belle, va devoir se passer de sa routine. Voilà ce qui nous pend au nez quand on croise un paumé cinéphile qui élève des chiens, un directeur de supermarché véreux et surtout des réseaux mafieux qui répandent leur illégalité sur tout le territoire européen. De ces grands fléaux, Tronchet, l'homme derrière l'édifiant Jean-Claude Tergal (Fluide glacial), arrive rapidement à articuler un thriller haletant dans les bas-fonds de la France, thriller où les gentils sont gentils et les méchants, détestables, mais aussi où le dévoilement subtil des clefs d'un scénario improbable empêche tout décrochage en cours de lecture. Y compris pour répondre à la porte.

Sombre et tordue par moments, comme le film Les 13 Tzameti — une oeuvre complexe et douloureuse de Gela Babluani à ne pas mettre entre toutes les mains —, cette succession de planches conserve malgré tout un haut potentiel divertissant. Parce que les dialogues y sont fins et parsemés de pointes d'humour, que les cadrages et le découpage y sont intelligents, mais surtout parce que, case après case, la présence à la barre d'un vieux routier du 9e art se fait forcément sentir.

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