Beaux livres - Motels P.Q.
La fascination pour le kitsch, alliée à un certain culte du vide, le souci étudié des environnements en apparence déserts ou post-industriels — lieu commun de la photographie contemporaine —, donnent aux clichés de ce livre une dimension étonnamment très actuelle.
Lieu d'ombres ou de vacances, icône glorieuse et révolue de la société de consommation nord-américaine, à la fois témoin et complice du boom touristique et de l'automobile de l'après-guerre, le motel (contraction de «motor hotel») est aujourd'hui à l'heure de la nostalgie. C'est le regard de Motel Univers: bienvenue au Québec, qui contribue à donner au motel québécois sa part de mythe. «Une curieuse chanson monte des motels, écrit Olga Duhamel-Noyer, elle dit la promesse vieillie d'un monde idéal qui a rouillé.»Magnifiques enseignes déglinguées, néons éteints, chaises de plastique aux couleurs criardes, intérieurs ternes, surprenants ou fonctionnels: la récolte du chasseur d'images est abondante. Par leur aspect délavé ou surexposé, semblant sortir tout droit d'un magazine de décoration des années soixante ou soixante-dix, les photographies de David Olivier, un Français installé au Québec depuis 2004, rappellent à merveille l'essence de leur propos — objet daté, kitsch pâli d'un mode d'hébergement depuis longtemps en perte de vitesse. Cette fascination pour le kitsch, alliée à un certain culte du vide, le souci étudié des environnements en apparence déserts ou post-industriels — lieu commun de la photographie contemporaine —, donnent à ces photographies une dimension étonnamment très actuelle.
Cela dit, le livre aurait gagné à proposer des légendes et un index des photographies, ainsi qu'une iconographie plus étendue (pensons seulement à des photos d'archives, des publicités ou des cartes postales, etc.).
Des lacunes
À travers de courts chapitres consacrés aux origines du motel, à la télévision, aux enseignes, aux intérieurs, au vice ou à l'errance, et malgré un effort louable d'interprétation, le texte d'Olga Duhamel-Noyer semble alourdi par un certain maniérisme académique — tics universitaires et concepts plaqués à la va-vite. Outre son opacité et son manque de structure, le texte souffre de certaines lacunes qui empêcheront de faire de Motel Univers LE livre de référence sur la question. Ainsi, rien qu'à titre d'exemple, le chapitre consacré aux enseignes de motel ne fait aucune référence au design.
Les allusions culturelles et «judiciaires» québécoises auraient aussi pu être plus appuyées — au-delà de l'inévitable et empruntée référence à Psycho. Outre Denys Arcand, que mentionne pourtant l'auteure, les cinéastes Robert Morin, Bernard Émond, André Forcier ou Louis Bélanger ont également exploré l'univers du motel made in Québec. «Aujourd'hui, écrit par ailleurs Olga Duhamel-Noyer, on trouve des motels sur les cinq continents, ici et là.» Des motels en Antarctique? On n'arrête pas le progrès. Décevant par ses omissions, truffé de phrases absconses et de raccourcis frustrants, Motel Univers vaut néanmoins le coup d'oeil.
Collaborateur du Devoir