Autobiographie - Vie d'un chirurgien zen
Le zen comme mode de vie. Voilà ce que propose l'urologue Yosh Taguchi dans son dernier ouvrage, Le Zen en action. À travers un récit qui retrace les étapes majeures de sa vie, le médecin présente lentement mais sûrement la philosophie de vie où le calme et la méditation règnent en maîtres.
L'ouvrage autobiographique remonte jusqu'à son héritage nikkei, ses ancêtres japonais. Le 25 septembre 1933, Taguchi voit le jour dans le petit hameau de Honjyo sur la grande île japonaise de Honshu. Arrivé par paquebot à Vancouver à l'âge de quatre ans, Taguchi ne garde que de vagues souvenirs de sa vie au Japon.Quelques réminiscences d'enfant: «Je me rappelle qu'on m'a amené en motocyclette voir un concours de cerf-volant. [...] Je me souviens de la sensation de l'eau froide dans laquelle je pataugeais juste devant notre maison [...]. Et je me rappelle que je me cognais souvent les genoux contre le foyer en pierre dans notre maison ancestrale.»
Il précise que, «bien que [ses] racines se trouvent au Japon, elles n'ont malheureusement pas pu pousser en profondeur», ce qui fait qu'aujourd'hui encore il se sent loin de cet héritage. Mais ce patrimoine culturel, il en ressentira particulièrement le poids au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Comme bien des Canadiens d'origine nippone, Taguchi fut alors stigmatisé au nom de la sécurité d'État. Rappelons que 22 000 Canadiens de descendance japonaise furent alors soupçonnés d'oeuvrer en secret pour le régime militaire nippon et qu'on avait créé spécifiquement à leur intention des camps d'internement, où Taguchi passa une partie de son enfance. Une expérience pour le moins douloureuse, qui n'a pas été sans laisser des marques chez le
jeune Yosh.
Ce n'est que peu de temps après la guerre que la famille Taguchi a déménagé à Farnham, non loin de Montréal. «On disait qu'il y avait moins de racisme au Canada français et davantage d'emplois disponibles», indique-t-il. Peu à peu, le futur chirurgien s'est réconcilié avec un pays d'accueil qui l'avait pour une période de temps rejeté.
L'ensemble de ces événements greffé à de profondes questions existentielles l'a amené à adopter une philosophie de vie orientée vers la compassion, la compréhension et la méditation. En d'autres termes, la pensée zen est peu à peu devenue la pierre angulaire de son existence.
Mais qu'est-ce que le zen, selon Taguchi? «C'est se comporter avec compassion en tout temps. C'est pratiquer sans cesse de telle sorte que la performance soit impeccable et pourtant sans effort. C'est engager les émotions et non pas l'intellect pour apprendre. Enfin, c'est atteindre ces objectifs et prendre conscience que les récompenses qui en résultent sont sans importance et, en fait, n'entrent pas en ligne de compte.»
À une époque où le stress fait partie de la vie de tous et chacun, il est curieux de connaître comment un chirurgien peut arriver à se comporter de façon zen dans un environnement de travail par moments instable. En fait, Tagushi n'utilise pas le zen que pour se détendre et mieux pratiquer son métier. Il le propose également à ses collègues afin d'assurer une meilleure coordination. Il raconte d'ailleurs qu'un jour, «lors d'une opération, [il a] dit à [son] interne: "Vous transpirez comme un cochon repu et moi pas du tout. Il faut que je vous fasse étudier le zen."»
Celui qui se qualifie de «chirurgien zen» propose donc une histoire individuelle à l'intérieur de laquelle gravitent plusieurs thèmes existentiels. À travers ses yeux, le lecteur découvrira aussi l'histoire d'une immigration difficile où le racisme règne. Mais, surtout, on y fait la découverte d'une success story qui a choisi d'aborder les défis de la vie... à l'aide du zen.
Collaborateur du Devoir