Roman québécois - Baby Queen
Il a 48 ans, elle en a 22. Il en est fou et, il faut le dire, elle le lui rend bien, avec ses accès de gaieté ardente, ses bouderies de diva domestique, ses grands airs et ses mimiques de garce immature, ses pieds parfaits, sa gueule d'ange de 22 ans. Mais elle l'éblouit. Voilà. C'est dit. «Que dire de plus à propos d'une femme? Que dire de plus pour remplir une vie?»
Excédé par leurs disputes, par le caractère impossible de cette étudiante en administration qui porte divinement le string, Simon LeBris, le narrateur de cette histoire prévisible, décide de coucher sur papier sa relation avec sa jeune princesse. Pour essayer de comprendre les mécanismes de la folie singulière qui l'attache à cette fille, il accumule les détails, les anecdotes, les pâmoisons. «Ma travailleuse modèle quasi timorée, ma dépensière, ma miss caprices, ma studieuse conformiste, ma belle gisante toute rose en travers du lit, ma diva téléphonique, mon tyran, ma star, mon bébé, mon ange, ma paradoxale, mais qui donc, qui donc est-elle?»Jeux de pouvoir, jeux de mains, jeux de vilains. Tout ne se résume-t-il pas à cela? «J'en ai assez de ce narcissisme qui fait la loi, qui bulldoze le mien.» Il le dira assez bien lui-même: «Tout le monde joue et tout le monde échange, les choses que l'on paie n'étant que le niveau le plus évident de ce commerce. Alors? Alors ma reine, c'est bien simple, me résume le monde entier.»
Retourner le miroir...
C'est l'essentiel de Ma reine, troisième roman de Normand Corbeil, professeur de philosophie dans un collège de Montréal. Avec Voix (VLB, 2004), un précédent roman qui souffrait d'une crise d'identité narrative aiguë, il explorait déjà la faillite d'un couple miné — entre autres difficultés — par un écart d'âge important.
Curieusement, au quart du roman, le narrateur se met tout à coup à s'adresser à un certain «jeune ami» ou «jeune homme» qui lirait son témoignage — comme s'il se trouvait, à moins de cinquante ans, à l'orée de sa vie. Pourtant, le début du roman est clair à ce propos: c'est à sa jeune princesse qu'il destinait son récit. Le procédé narratif, parce qu'il est flottant ou incertain, révèle un évident manque de maîtrise — aggravé par l'absence d'une écriture forte.
Pour offrir un portrait complet et pertinent, doublé d'un examen de conscience de cet échec amoureux qui ne soit pas superficiel, il aurait sans doute fallu aussi retourner le miroir... Alors que l'introspection n'ira jamais plus loin que cet aveu: «Je ne suis pas content de la façon dont Stella m'aime, si elle m'aime, mais j'ai moins envie d'être bien aimé par une autre que de l'être mal par elle.» Mais il y aura rupture — les paris étaient ouverts.
Trois ans plus tard, LeBris publie ce qu'il appelle un roman (tantôt récit, carnet de voyage ou journal), rêve toujours à elle et confesse avoir voulu écrire un long poème d'amour «doublé de pédagogie». On repassera pour la poésie. Quant à la leçon de vie, on cherche encore l'édifiante et sage vérité qu'elle devrait nous révéler. Le feu brûle, vous dites? Ah bon.
Collaborateur du Devoir