Les arbres, ces bienfaiteurs de nos villes

Les arbres procurent de multiples bienfaits, souvent insoupçonnés, aux citadins. Lors d’une balade dans le parc Basile-Routhier, situé entre le boulevard Gouin et la rivière des Prairies, deux spécialistes de la forêt urbaine nous ont fait découvrir ces services que nous rendent ces êtres vivants plus grands que nous.
Un des principaux bienfaits des arbres en ville est le rafraîchissement qu’ils génèrent, souligne Sarah Tardif, doctorante en écologie forestière, à l’UQAM, lors d’une balade dans ce parc boisé.
L’ombre que projettent les arbres permet de réduire les îlots de chaleur. Mais outre l’ombre qu’ils font, les arbres produisent de la fraîcheur. « Lorsqu’ils font de la photosynthèse, les arbres évaporent de l’eau en même temps qu’ils absorbent du CO2, et autour d’eux se crée un petit nuage d’eau qu’on ne voit pas, mais qui rafraîchit. Des arbres matures près d’une maison peuvent limiter les coûts de climatisation. Entre un parc comprenant quelques arbres matures et un espace sans arbres, on peut noter une différence de température de 1 °C à 8 °C. Et la différence peut aller jusqu’à 15° C entre un parc industriel et une forêt urbaine », explique-t-elle.
La pollution atmosphérique n’est pas un gros problème pour les arbres, car ils captent le CO2 et relâchent de l’oxygène, ce qui permet d’assainir l’air, poursuit-elle. « Ils purifient l’air aussi en absorbant les particules fines de pollution, toutes celles qui font moins de 10 micromètres, notamment [celles provenant des] gaz d’échappement des voitures », précise-t-elle.
Les parcs boisés et les forêts ont également des bienfaits sur notre santé psychologique et physiologique. Voir du vert stimulerait certaines parties de notre cerveau qui génèrent le plaisir et le bonheur, semble-t-il. Juste le fait d’être entouré d’espaces verts apaise.
« Les lieux boisés nous invitent davantage à aller marcher, à courir, à nous balader que les espaces bétonnés. Donc, ils nous incitent à faire de l’activité physique, et on sait que cette dernière réduit les maladies cardiovasculaires », fait-elle remarquer avant de citer une étude américaine qui a montré qu’entre 2002 et 2012, 100 millions de frênes sont morts à cause de l’agrile, un insecte asiatique qui a fait des ravages à Montréal, et que la disparition de tous ces arbres s’est traduite par une forte augmentation de la mortalité par maladies cardiovasculaires dans les villes touchées par cette hécatombe.
Les arbres peuvent aussi contribuer à la réduction du bruit. Une barrière d’arbres de 30 mètres d’épaisseur peut réduire le bruit de 8 décibels. Or, on sait qu’une réduction de 10 décibels correspond à une réduction du bruit de 50 %. « Et aussi, le fait de regarder des arbres nous donne l’impression psychologiquement qu’il y a moins de bruit », avance-t-elle.
Également, les arbres nous protègent du vent, particulièrement en hiver. « Ce serait donc intéressant de planter davantage d’arbres qui conservent leur feuillage en hiver, comme des conifères, qui sont plutôt rares en ville », avance la doctorante, qui poursuit ses recherches au sein du groupe de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM.
Marine Fernandez, stagiaire postdoctorale à l’UQAM, qui travaille aussi pour la Chaire de recherche sur la forêt urbaine, cite pour sa part une étude ayant montré que les enfants qui grandissaient dans des milieux plus ruraux avaient une meilleure santé, car ils possédaient un meilleur microbiote intestinal. « La diversité des bactéries présentes dans leurs selles était plus riche que celle des enfants qui vivaient dans des environnements plus urbanisés, précise-t-elle.
« Plus un milieu est riche en arbres, en végétation, plus il est diversifié, plus il y aura de micro-organismes, et plus ça a un effet positif sur la santé des arbres et des humains », indique-t-elle.
Rétention d’eau
Les arbres en ville permettent d’absorber et de retenir l’eau dans les sols qui, en ville, sont très denses. « Quand l’eau arrive sur des sols compactés, elle ne peut même pas y pénétrer. Le fait qu’il y a des arbres va permettre d’absorber cette eau et de la retenir », explique Mme Fernandez.
Et puis, en bord de rivière, les arbres permettent de limiter l’érosion en maintenant le sol en place. « Ils préservent ainsi les berges et, aussi, ils évitent que les sols se retrouvent au fond de la rivière, où ils vont se sédimenter et polluer l’eau de la rivière », souligne-t-elle.
La présence d’arbres au bord des rivières permet également de rafraîchir l’eau, ce qui profite aux poissons et aux canards.
Pour maintenir ces bienfaits, il faut bien sûr planter plus d’arbres, mais aussi planter diverses espèces pour éviter les hécatombes, comme celle des frênes qui sont la proie de l’agrile, rappellent les deux spécialistes en écologie forestière.
Planter plus d’arbres permettra d’accroître la canopée, qu’on associe à la couronne des arbres, mais qu’en foresterie, on définit comme la surface au sol que va couvrir un arbre, soit, en quelque sorte, « la surface de son ombre quand le soleil est au zénith », précise Sarah Tardif.
« En 2015, on avait 20 % de canopée, à Montréal, ce qui veut dire que 20 % de la superficie de Montréal était recouverte par des arbres. On a alors décidé de mettre en place le Plan d’action canopée, qui visait à atteindre 25 % de canopée d’ici 2025. En 2017, on est arrivé à 22 %, et en 2021, on est retombé à 21 % probablement en raison des dommages causés par l’agrile du frêne, entre autres. Mais, en septembre 2022, on a atteint les 25 % ! Maintenant, le but est d’atteindre 26 % d’ici 2025, ce qui revient à planter trois fois la superficie du parc du Mont-Royal », indique-t-elle.
« Actuellement, à Montréal, les forêts ne sont pas des plus diversifiées, car 76 % des arbres publics sont représentés par seulement cinq genres », ajoute-t-elle. Les érables représentent 37 % des arbres publics, suivis par les frênes (12 %), les féviers (11 %) et les ormes (8 %).
Au milieu du parc Basile-Routhier se trouve un arboretum où on peut voir différentes espèces d’arbres, dont plusieurs sont exotiques, comme le ginkgo biloba, le sapin de Corée, le tilleul argenté Sterling, le Maackia de l’Amur, le phellondendron de l’Amur, l’orme New Horizon, qui sont très bien adaptées au milieu urbain. La Ville de Montréal a commencé à planter de telles espèces en plus d’espèces indigènes, qui résistent bien à notre climat et à la vie en ville.