Ordre d’évacuation à Chibougamau

«Notre priorité, c’est de s’occuper des communautés : on n’est pas à l’étape de s’occuper des bois. Ensuite, ce sont les infrastructures», a dit mardi François Legault, concernant le secteur de Val-d’Or, Senneterre et les environs. On le voit ici lundi à Québec.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne «Notre priorité, c’est de s’occuper des communautés : on n’est pas à l’étape de s’occuper des bois. Ensuite, ce sont les infrastructures», a dit mardi François Legault, concernant le secteur de Val-d’Or, Senneterre et les environs. On le voit ici lundi à Québec.

La municipalité de Chibougamau, dans le Nord-du-Québec, a déclaré l’état d’urgence en fin de soirée mardi, ordonnant du même coup à ses quelque 7200 habitants d’évacuer leur demeure en raison des feux de forêt qui ravagent la région.

En soirée, mardi, la municipalité a été informée par la SOPFEU que le brasier qui a enflammé des forêts du Nord-du-Québec « avançait beaucoup plus rapidement que prévu », a déclaré vers 20 h 15 la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, dans une publication vidéo diffusée sur la page Facebook de la municipalité. « On est désolés, on a un changement de programme. On est en mesure d’urgence et on doit évacuer la municipalité de façon préventive. On vous recommande fortement de le faire », a ajouté la mairesse, qui a demandé aux milliers de résidents « d’être prudents » et de partir avec « le minimum », en privilégiant les proches par rapport aux animaux de compagnie.

Manon Cyr a indiqué que la Sûreté du Québec patrouillerait dans la municipalité pour inciter les résidents à quitter les lieux. Ceux-ci pourront se diriger vers l’aréna de Roberval, à près de trois heures de route, afin d’y être logés de façon temporaire. Un service de transport sera d’ailleurs offert par la municipalité à partir de l’aréna de Chibougamau.

La municipalité s’ajoute ainsi à d’autres, dans les régions du Nord-du-Québec et de l’Abitibi-Témiscamingue, où des ordres d’évacuation concernant des milliers de personnes ont été lancés dans les derniers jours. « La situation des feux de forêt évolue rapidement, notamment pour Lebel-sur-Quévillon, Oujé-Bougoumou, Chibougamau et Mistissini. On suit la situation de près », a d’ailleurs indiqué sur Twitter peu avant 21 h mardi le premier ministre du Québec, François Legault. « Courage aux citoyens touchés. »

Québec en alerte

Présent en Abitibi-Témiscamingue mardi pour faire le point sur les feux de forêt qui ravagent la province, le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a indiqué qu’aux 230 « combattants du feu » qui sont actuellement à pied d’oeuvre dans la région pour contenir les flammes s’ajouteront quelque 250 autres dès mercredi et au cours des cinq prochains jours.

« Demain [mercredi], deux équipes de 21 pompiers vont débarquer du Nouveau-Brunswick sur le terrain, plus 90 autres pompiers auxiliaires formés, a annoncé le ministre. D’ici le 12 juin, 119 autres combattants du feu et coordonnateurs vont venir nous rejoindre. »

Soixante-dix-huit incendies distincts ravagent actuellement la région, où aucune précipitation n’est attendue pour les cinq prochains jours. Les autorités surveillent de près l’évolution des flammes à proximité des municipalités de Normétal, de Saint-Lambert et de Lebel-sur-Quévillon, a indiqué M. Bonnardel.

« On surveille les infrastructures névralgiques également, a-t-il poursuivi. Il y a deux lignes électriques dans le coin de Parent qui pourraient être problématiques. On est aux aguets. »

Le ministre de la Sécurité publique a réitéré l’importance de ne pas se rendre dans les forêts, pour des raisons de sécurité. « Ce n’est pas le temps d’aller au chalet, même pour le vider parce que vous craignez qu’il va brûler », a-t-il ordonné.

Tout est mis en oeuvre, selon François Legault

De passage à Sept-Îles pour faire un état de la situation des incendies de forêt qui ravagent la Côte-Nord, entre autres régions touchées par d’importants brasiers, le premier ministre François Legault maintenait pour sa part que tout est mis en oeuvre pour combattre les flammes et limiter les dégâts.

Les installations d’Hydro-Québec dans le secteur de Baie-Comeau font aussi l’objet d’une étroite surveillance par la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU), qui a par ailleurs réalisé des travaux pour protéger la ville de Chibougamau des flammes.

Quant à l’incendie qui décime actuellement le secteur de la rivière Moisie, cela pourrait prendre « des semaines » avant qu’il ne soit maîtrisé, a indiqué le premier ministre, ajoutant que les autorités prévoyaient des endroits qui pourraient accueillir la population de Val-d’Or, de Senneterre et des environs si de nouvelles évacuations étaient ordonnées dans ce secteur de l’Abitibi-Témiscamingue.

« Notre priorité, c’est de s’occuper des communautés : on n’est pas à l’étape de s’occuper des bois. Ensuite, ce sont les infrastructures », a clarifié M. Legault.

Le premier ministre a également réitéré que l’incendie à Clova, en Haute-Mauricie, était trop intense pour qu’on y dépêche des avions-citernes. Les propos de l’élu à ce sujet, lundi, avaient suscité le mécontentement de la population.

« Ce que j’ai dit, c’est ce que la SOPFEU m’a dit hier [lundi] : que le feu est trop important pour avoir un avion là-bas, a répété M. Legault. Il y a un risque pour l’instant, mais ce qu’on me dit, c’est que la plupart des maisons ne sont pas touchées, qu’il y a seulement quelques chalets de touchés. »

Lebel-sur-Quévillonsur le qui-vive

Alors qu’elle craignait lundi d’être atteinte par le feu, la municipalité de Lebel-sur-Quévillon, dans le Nord-du-Québec, peut souffler un instant. La température fraîche de la nuit dernière a retardé l’arrivée des flammes aux portes de la ville de quelque 2100 habitants, mais la partie est loin d’être gagnée contre le sinistre.

« C’est toujours à risque, a mentionné M. Legault durant son point de presse. Ce n’est pas le même feu qu’on avait vendredi, mais il faut encore faire attention. »

« Le feu qui vient du nord n’est pas encore arrivé ; il est à 10 kilomètres de la ville, mais il va finir par arriver. Le feu a pris dans la partie où il n’y avait pas d’arbres, ça l’a ralenti considérablement. Il devrait être moins fort que prévu », a indiqué le maire de Lebel-sur-Quévillon, Guy Lafrenière, lors d’un bref point de presse tenu mardi avant-midi.

Les services d’urgence peuvent par ailleurs retourner sur place pour combattre le brasier, a poursuivi le maire, qui s’est fait rassurant.

En outre, l’ampleur des incendies ne rend plus possible le partage d’avions-citernes entre Lebel-sur-Quévillon et la municipalité de Normétal, en Abitibi-Témiscamingue. C’est pourquoi de nouveaux avions en provenance de Roberval, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, partaient mardi matin en direction de la municipalité.

Le maire Lafrenière a également partagé l’optimisme des intervenants de la SOPFEU. « Avec la température plus fraîche de cette nuit et celle de la nuit prochaine, les conditions météo sont favorables, ça aide le comportement du feu », a-t-il dit.

Un deuxième incendie menace la municipalité et l’usine Nordic Kraft, spécialisée dans les pâtes et papiers.

« La stratégie de la SOPFEU n’est pas d’éteindre le feu, mais de le rediriger vers l’autre feu, au nord », a précisé le maire.

Les citoyens évacués de Lebel-sur-Quévillon sont actuellement accueillis dans les municipalités de Val-d’Or et de Senneterre.

Photo: Zoom Earth, NASA / GSFC / EOSDIS, Aqua MODIS Sur cette image satellite du 5 juin 2023 en après-midi, on peut voir la fumée des feux de forêt qui sévissent au Québec.

Fin des avis d’évacuation à Sept-Îles

Sept-Îles, sur la Côte-Nord, n’est pas non plus tirée d’affaire face aux incendies de forêt, mais la Ville avait tout de même des nouvelles encourageantes en annonçant, mardi matin, la levée des avis d’évacuation.

Quelque 2900 résidents de Sept-Îles et 1500 de la réserve de Maliotenam avaient été évacués et étaient hébergés à Port-Cartier et à Pessamit.

Étant donné que l’un des incendies est moins menaçant, et qu’un deuxième a peu évolué, les citoyens des secteurs de Moisie, des Plages et du lac Daigle pourront ainsi réintégrer leur domicile.

Le maire de Sept-Îles, Steeve Beaupré, a toutefois appelé les citoyens à la prudence.

« Le feu de la rivière Moisie-Nipissis est toujours imposant et actif. Il pourrait le demeurer pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, ce qui signifie que nous pourrions peut-être à nouveau être dans l’obligation d’évacuer certains secteurs de la ville dans les prochains jours ou les prochaines semaines », a-t-il dit en conférence de presse.

Des milliers d’évacués au Québec

M. Legault a pour sa part confirmé que les élèves pourront retourner en classe mercredi. Les patients de l’hôpital de Sept-Îles, pour la plupart transférés à Québec ou à Montréal, devraient être de retour au cours des 10 prochains jours, a ajouté le premier ministre.

Le nombre de personnes évacuées, mardi en journée, s’élevait à environ 8300, contre un peu plus de 10 000 lundi, a indiqué la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, en point de presse à Québec.

Mais à ce nombre doivent être ajoutés les quelque 7200 résidents de Chibougamau, évacués en soirée.

Elle a souligné que les précipitations de pluie qui ont commencé à tomber sur la région de Sept-Îles vont faciliter le travail des équipes.

La province a pu compter sur le soutien et le renfort de trois provinces, à savoir le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador.

« Ça va nous permettre aussi de rapatrier certains des pompiers qui avaient été mobilisés sur les feux à Sept-Îles vers des zones plus chaudes comme celles de l’Abitibi, du centre, donc en Mauricie, ou du Nord », a précisé la ministre.

À l’échelle du pays, plus de 40 000 résidents ont été temporairement relogés.

La foudre en cause

Les pompiers de la SOPFEU signalaient vers 14 h 30, mardi, que 154 incendies de forêt étaient en activité, dont 9 en zone nordique.

Mme Blanchette Vézina a rapporté que plus d’une centaine étaient non maîtrisés.

Questionnée sur la principale cause de tous ces brasiers, la ministre a pointé la foudre comme un des grands responsables, tandis qu’historiquement, les incendies de forêt sont surtout occasionnés accidentellement par l’humain.

« La situation en ce moment a été causée majoritairement par un épisode d’orage qui a eu lieu jeudi. Donc une centaine de feux ont été déclenchés en même temps », a affirmé Mme Blanchette Vézina.

Selon la SOPFEU, les incendies ont touché jusqu’à maintenant cette année un peu de 327 500 hectares de forêt.

Avec Frédéric Lacroix-Couture et Marie-Ève Martel, La Presse canadienne



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